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Avignon
2022


Quelques spectacles
à retrouver ensuite en tournée




L'occupation
Texte d'Annie Ernaux
Interprétation : Romane Bohringer
Accompagnement musical : Christophe"Disco" Minck
Mise en scène : Pierre Pradinas

Romane Bohringer déploie avec brio le texte d’Annie Ernaux. Une femme dans la quarantaine a quitté son amant plus jeune mais lorsqu’elle apprend qu’il a retrouvé une nouvelle compagne, elle est envahie de jalousie et de colère. Elle cherche à savoir qui est cette rivale, quel est son nom. Romane Bohringer rend parfaitement toutes les émotions de cette femme qui parfois sent monter une sorte de folie qui la mène à envisager des actes d’une violence extrême. Elle peut avoir honte de ce qu’elle imagine mais elle continue malgré tout. Elle ne maitrise plus ses pulsions. La mise à nu d’Annie Ernaux, dans l’après d’une passion amoureuse, est remarquablement interprétée par Romane Bohringer. La mise en scène sobre avec un musicien sur scène qui joue de la guitare et utilise aussi une table de mixage, des vidéos qui défilent de temps en temps au fond de la scène créent un très bel ensemble qui entre en écho avec chacune et chacun d’entre nous.

C’est un spectacle époustouflant, très riche en émotions. Le rire nous envahit grâce à un humour grinçant qui émerge de l’intensité de certaines situations très bien rendues par Romane Bohringer. La détresse de cette femme nous serre aussi la gorge.

Le texte d’Annie Ernaux révèle toutes ses qualités grâce à Romane Bohringer et à la mise en scène.

« Cette femme emplissait ma tête, ma poitrine et mon ventre, elle m’accompagnait partout, me dictait mes émotions. En même temps, cette présence ininterrompue me faisait vivre intensément. Elle provoquait des mouvements intérieurs que je n’avais jamais connus, déployait en moi une énergie, des ressources d’invention dont je ne me croyais pas capable, me maintenait dans une fiévreuse et constante activité.
J’étais, au double sens du terme, occupée. »

Brigitte Aubonnet 


On ne parle pas avec des moufles
Une causerie signée et parlée de Denis Plassard
Interprétation : Anthony Guyon et Denis Plassard

Comment communiquer ? Comment se comprendre quand on ne parle pas la même langue ?
Voilà ce qui arrive à Anthony Guyon, comédien sourd, qui s’exprime en LSF (Langue des signes française) et Denis Plassard, danseur bavard, qui est entendant et utilise le français oral pour s’exprimer. Les deux personnages se retrouvent coincés dans un ascenseur bloqué entre deux étages. Ils ont tous les deux des rendez-vous importants et supportent mal ce contre-temps.
Les signes, la danse, la parole, les mimiques, le corps… tout permet de s’exprimer. Quel est le sens du mouvement ? Denis Plassard se pose cette question et la met en mouvement et en mots avec beaucoup de talent.
Avec beaucoup d’humour, les deux acteurs évoquent toutes les incompréhensions et les malentendus possibles. Le handicap et la « normalité » se côtoient au fil des échanges avec beaucoup d’ironie. Les situations sont drôles, cocasses parfois absurdes dans cet univers clos.
C’est un spectacle très réussi. On rit beaucoup. Les propos des deux acteurs sont différents et ne sont pas traduits. Les personnes sourdes et les personnes entendantes sont confrontées à une langue inconnue d’eux. Les personnes entendantes vivent ainsi le ressenti des personnes sourdes dans leur vie quotidienne. La perception est intuitive dans la langue que nous ne connaissons pas.
C’est un spectacle à faire connaître absolument pour mieux se comprendre.

Brigitte Aubonnet 


Je ne vous aime pas
Texte de Pierre Notte
Intermèdes de Marianne Wolfsohn
Interprétation : Nathalie Bécue, Silvie Laguna, Marianne Wolfsohn
Mise en scène : Marianne Wolfsohn

Deux femmes se disputent pour l’organisation d’un spectacle en région. L’une est comédienne à la Comédie Française, statut prestigieux, et l’autre est une actrice qui n’a pas poursuivi sa carrière. Elle s’est consacrée à sa famille mais là, au sein de l’équipe municipale, elle organise des rencontres culturelles ce qui n’est pas facile car, dans une petite ville, mobiliser du monde pour venir assister à un spectacle n’est pas très aisé. La demande du public ne correspond pas toujours à ce que l’on voudrait lui proposer. Il faut beaucoup d’enthousiasme et de persévérance quand seulement 3% d’un village assistent au spectacle.
S’opposent magistralement deux comédiennes par l’intermédiaire de deux actrices extraordinaires de justesse dans leur confrontation.
La programmatrice (interprétée par Nathalie Bécue) détaille la complexité de son travail, entre les attentes du public et les discussions avec la conseillère à la culture qui ne reconnaît pas vraiment les auteurs contemporains. L’actrice (interprétée par Silvie Laguna) évoque les ressentis d’une comédienne avec tous les aléas avant de monter sur scène. La comédienne est un peu "parisienne" avec les chocolats "de luxe" qu’elle apporte en cadeau et ses critiques sur l’organisation, la salle de spectacle, "vulgaire" car salle municipale, l’hôtel où elle est hébergée, le rapport avec les techniciens… mais qu’est-elle vraiment quand elle n’est plus dans son rôle avec les mots et les phrases des autres ? Plus rien. Elle se sent seule.
L’écart entre Paris et la province est montré avec beaucoup d’humour. S’opposent l’anonymat des grandes villes et la vie dans les petites communes où tout le monde se connaît ainsi que la supériorité ressentie par Paris sur la Province ce qui bien sûr est mal vécu. Se révèlent aussi au cours de la pièce le pourquoi de cette rencontre et les raisons bien particulières qui ont poussé celle qui n’est pas devenue comédienne, alors qu’elle adorait cet art, à inviter l’actrice parisienne. Marianne Wolfsohn intervient par moments pour des retours sur le passé.
C’est un magnifique texte sur les multiples facettes de la création théâtrale avec des points de vue opposés sur cet univers. Nous rions beaucoup et passons un excellent moment au cœur de ce qui constitue le théâtre.

Brigitte Aubonnet 


Clara Malraux la rebelle
Texte de Betty Hania
Interprétation : Bérengère Dautun & Nathalie Savalli
Mise en scène : Norbert Mouyal

C’est une pièce magnifiquement interprétée par Bérengère Dautun et Nathalie Savalli, deux comédiennes sublimes qui savent faire surgir l’émotion au fil du texte.
Nous découvrons les parcours de vie d’André Malraux (1901-1976), écrivain et ministre de la culture, celui de sa femme Clara Goldschmidt (1897-1982), autrice, journaliste, première traductrice de Virginia Woolf en France, et de leur fille Florence, assistante réalisatrice, épouse d’Alain Resnais, née en 1933, l’année où André Malraux a reçu le Prix Goncourt pour La condition humaine.
Le dialogue entre Clara et Florence révèle peu à peu les différentes facettes d’André Malraux ainsi que la personnalité de Clara qui a joué un rôle essentiel lors des débuts littéraires de son mari. Il n’y avait pas de place pour deux écrivains. Elle se sentait transparente comme femme et écrivaine auprès d’André Malraux. S’exprimer à côté de lui était très difficile. Il ne supportait pas la concurrence.
Clara est une rebelle et Florence le sera aussi. Clara s’affirme comme femme libre, d’origine juive dans une famille laïque, elle déteste l’injustice et le mensonge, elle entrera dans la Résistance lors de la Seconde Guerre mondiale.
Florence l’insoumise ose s’opposer à son père, ministre de la culture dans le gouvernement du Général de Gaulle. Elle signe le Manifeste des 121, favorable à l’insoumission des appelés pour la guerre d’Algérie, ce que son père ne supportera pas. Ils ne se sont pas vus pendant 13 ans. En 1968, elle sera aux côtés de Gisèle Halimi. Elle est aussi amie avec Françoise Sagan.
Les relations entre André Malraux et sa fille, entre André Malraux et ses femmes (épouses et maîtresses) sont complexes. Nous découvrons le rapport au mensonge, à l’argent, aux honneurs, au pouvoir…  au fil de cette conversation entre mère et fille.
Même si André Malraux fut un ministre de la culture qui a marqué, il avait ses zones d’ombre ce que révèle Clara Malraux qui a vécu avec lui pendant une quinzaine d’années.
Clara s’est ensuite installée au Moulin d’Andé, lieu magnifique de création, où fut notamment tourné Jules et Jim avec Jeanne Moreau. Le Moulin d’Andé fête d’ailleurs cette année ses 60 ans d’existence comme lieu créatif pour des résidences d’auteurs, lieu de tournage de films, de concerts, de rencontres… Clara Malraux y est décédée en 1982.
La pièce relate superbement les différentes facettes du personnage mythique qu’est André Malraux dans sa brillante complexité grâce à cette dualité mère-fille qui nous dévoile bien des secrets.
La mise en scène est vive, alternent des vidéos avec André Malraux comme notamment son discours pour l’entrée de Jean Moulin au Panthéon et des vidéos avec des chansons de l’époque. Les souvenirs de Clara et Florence Malraux reconstruisent la réalité de ces trois fortes personnalités.
C’est une pièce passionnante, nous vivons des moments bouleversants et découvrons la partie cachée et les évènements qui ont marqué les vies de ces trois personnes qui ont des parcours étonnants.
À voir absolument. 

Brigitte Aubonnet 


Les monstrueuses ou le rêve d'Ella
Texte de Leïla Anis
Interprétation : Leïla Anis & Lætitia Poulallion
Mise en scène : Karim Hammiche

De génération en génération, les femmes d’une même famille portent en elles un secret. Mais la parole est absente. Ella se charge d’écrire, de révéler ce qui n’était pas dit pour dénouer tout ce qui les empoisonne de génération en génération. Imane, la sœur d’Ella, est hospitalisée en psychiatrie. Elle est dans la confusion de la réalité et de l’imaginaire.
Leïla Anis et Lætitia Poulallion incarnent merveilleusement les différents personnages, les générations et les allers-retours du présent au passé. La mise en scène est très claire, ce n’était pas facile de reconstituer un arbre généalogique sur scène mais c’est très réussi. Les personnages du passé, nés au début du siècle dernier, et ceux du présent se côtoient sans problème.
Leurs époques, leurs résistances, leurs combats, leurs drames, leurs joies, leurs vies n’ont pas toujours été faciles mais pour Ella, il est essentiel, que le poids du passé ne les envahisse pas négativement. Avec sa sœur, elles doivent se tourner vers l’avenir.
« Les larmes, ça ne pense pas. Pleurer, ce n’est pas donné à tout le monde. »
Parler non plus. Ella le fait dans une écriture très poétique proche du conte par moments puisque Awa, l’une des ancêtres, est née au Yémen. La « malédiction des ventres » doit être stoppée.
C’est un spectacle très réussi, fort et émouvant, sur un parcours familial qui entre en écho avec nos vies. Les deux comédiennes sont parfaitement convaincantes.  
La pièce est publiée aux éditions Lansman.

Brigitte Aubonnet 


Augustin Mal n’est pas un assassin
Texte de Julie Douard
Interprétation : François Bureloup
Mise en scène : Olivier Lopez

Voilà un titre bien équivoque. Pourquoi diable Augustin Mal serait-il un assassin ? Qu’est-ce qui pourrait le laisser penser ? C’est tout l’enjeu de cet étrange monologue mis en scène par Olivier Lopez à partir du livre de Julie Douard.
François Bureloup, comédien de théâtre, cinéma et télévision (on se souvient du brigadier-chef Baudemont, hâbleur et provocateur, dans la série Chérif) interprète ici avec finesse et subtilité le rôle d’un homme qui, malheureusement, est ni fin ni subtil mais au contraire plutôt balourd et imbu de lui-même.
Pourquoi Augustin Mal serait-il un assassin alors qu’il se croit si normal, si ordinaire, voire supérieur à la moyenne ? Peu à peu, au fil du monologue, il exprime plus clairement ce qu’il croit être, ce qu’il croit faire, et on comprend qu’il confond le sens et la nature des comportements, qu’il interprète de manière très personnelle les réactions des autres, qu’il croit voir un consentement, ou un plaisir, dans ce qui n’est qu’une projection de son propre désir.
Au début, on s’amuse de ses confusions, on imagine la tête de ses collègues de travail qu’il vient caresser pour leur manifester ce qu’il pense être de la politesse et qui le fuient comme la peste, on est ému par sa tendresse et sa naïveté, par sa solitude aussi puisque tout le monde cherche à l’éviter, et puis, peu à peu, ses propos deviennent plus étranges, plus dérangeants, plus violents. Jusqu’où peut aller cette inquiétante confusion des sentiments ?
Dans un texte d’intention, Olivier Lopez, le metteur en scène, précise combien la force de ce texte réside aussi dans sa forme : « La force du monologue au théâtre est de pouvoir accéder à cette part secrète de l’être humain. Il est un livre ouvert sur la pensée intime et personnelle, il donne à entendre, à comprendre les phrases, les idées qu’on ne prononcera jamais mais qui guident pourtant notre comportement social. Avec ce texte, nous explorons le désordre intérieur d’Augustin, l’étendue de ses souffrances, l’ampleur de ses méfaits. Nous mesurons à chacune de ses paroles le hiatus permanent de sa vie : il y a ce qu’il dit, et ce que nous comprenons de ce qu’il dit, de ce qu’il fait et vit vraiment. »
Le texte habilement introspectif de Julie Douard porté par le jeu implacable et faussement satisfait de François Bureloup confronte le spectateur à une passionnante plongée dans les mystères de l’âme humaine. Un spectacle qui ne laisse pas indifférent, qui amuse par moments et peut déranger à d’autres, mais qui dans tous les cas, rappelle la force, la richesse et la diversité du théâtre où le texte, lorsqu’il est à la fois d’une grande qualité littéraire et incarné avec intelligence par le comédien, interpelle le spectateur au plus profond de ses émotions. Ici, grâce à la magie de la mise en scène, l’alchimie fonctionne à merveille. Une belle réussite !

Serge Cabrol 


La leçon de français
Texte de Pépito Matéo
Interprétation : Pépito Matéo
Mise en scène : Nicolas Petisof

La langue est multiple avec ses doubles sens, ses ambiguïtés, ses malentendus, ses expressions idiomatiques… Pépito Matéo met en valeur avec brio toutes les subtilités de la langue. Il les met en scène en nous racontant des histoires sous formes de contes. C’est une très belle leçon d’humanité et de tolérance car le personnage se retrouve dans un L.R.A. (Lieu de Rétention Administrative) avec des migrants en situation irrégulière. Mais qu’est-ce qu’une frontière pour empêcher des personnes en grande souffrance dans leur pays de venir dans le nôtre ? A-t-on tous les mêmes droits quand on change de pays et qu’il nous manque les mots pour s’exprimer ?
Le personnage se retrouve dans une situation absurde et Pépito Matéo jongle avec les mots, il rebondit sur eux pour passer d’une idée à l’autre en explicitant tous les dessous de la langue.  
Avec humour et légèreté, il aborde des sujets graves et contemporains qui nous concernent tous. Quel accueil réservons-nous à ces êtres humains qui ne sont pas reçus avec respect et empathie alors qu’ils peuvent nous apprendre tant ?
Très souvent, ils arrivent sans connaître notre langue mais ils ont de grandes richesses d’humanité.
Apprendre une langue ce n’est pas seulement collectionner des mots mais c’est aussi entrer dans une nouvelle culture, une nouvelle façon de voir le monde. Chaque individu possède en lui la capacité d’enrichir celui ou celle qu’il rencontre.
C’est un spectacle dynamique, enthousiasmant, drôle, qui nous apprend beaucoup sur les langues de différents pays grâce à tous les exemples proposés par Pépito Matéo mais il aborde aussi de douloureux problèmes humains quand les individus sont rejetés dès qu’ils changent de pays.

Brigitte Aubonnet 



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www.festivaloff
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P.O.L.

112 pages - 13,50 €






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Paradox

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