Nous sommes à Paris, en 1948. Coco et Pierre, jeune couple amoureux, montent Au Diable Vauvert, un vaudeville, au nouveau théâtre de la Huchette. Ils font un filage avant le lever de rideau. Pierre, qui dirige Coco et Guy, est nerveux. Pierre en veut à Guy qui arrive en retard et en plus, a des tics agaçants. Il ne sait pas bien son texte. Se trompe dans la répétition des postures. Au fur et à mesure du filage, c’est pourtant Pierre qui se prend les pieds dans le tapis. Il a des trous de mémoire et cherche désespérément ses mots. Les nerfs à vif, il sort s’acheter des cigarettes. Coco en profite pour tendre à Guy une partition avec laquelle il lui demande de l’accompagner au piano. Elle doit passer une audition pour jouer dans Othello où elle a toutes ses chances, mais chut ! Secret ! Si elle est prise, elle laissera tomber Au Diable Vauvert.

Les situations entre Coco, Pierre et Guy sont confuses, mais l’on est vite emballé par le jeu intrépide des Comédiens avec leurs changements d’attitudes imprévus, leurs allusions incertaines, qui ouvrent la porte à une valse de situations cocasses et hilarantes. On alterne entre le vaudeville et le musical et, sous cette cacophonie, ne tarde pas à se révéler l’exquis tragique d’un ailleurs dissimulé : Pierre soupçonne Coco d’adultère. Un peu plus tard, après que le brigadier ait tapoté ses trois coups pour la première d’Au Diable Vauvert, toujours Pierre, fou de jalousie, « bourré comme un coin », monte sur scène et part en vrille.

Le spectacle est jubilatoire, complice de l’alchimie dramaturgique du Théâtre de La Huchette qui fête cette année ses soixante-dix ans. Il règne, sur l’espace étroit de ses quelques mètres carré de scène, une bonne odeur de théâtre. On est un peu comme chez soi à La Huchette. On entre directement par la rue, on s’installe comme à la maison et cette singularité du lieu et de l’espace ajoutent un plus à la singularité de Comédiens.

Et que d’inventions ! Les spectateurs sont au théâtre dans le théâtre avec des décors qui n’arrêtent pas d’être modifiés par les comédiens eux-mêmes : le piano va ici ou là, on arrange les panneaux amovibles à toute vitesse, on va, on vient… Ça virevolte dans tous les sens.
En une mise en scène enlevée, Samuel Sené propose une comédie musicale qui rayonne sous tous ses angles. Le jeu pétillant des comédiens semble permanent avec un flux émotionnel continu. On assiste à de belles scènes vaudevillesques à la rythmique épuisante. Marion Préïté, Fabian Richard et Cyril Romoli, complices, réalisent une performance rare, car l’espace réduit du plateau n’était pas évident. 
Le dénouement de Comédiens a des accents d’Othello.
Qu’ajouter de plus !
La pièce est à l’affiche jusqu’à début janvier, alors profitez d’un superbe moment de théâtre avant les fêtes.