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Actes Sud
(Octobre 2018)
144 pages - 15,80 €

Ronit MATALON
(1959-2017)

Et la mariée
ferma la porte


Ronit Matalon nous offre ici une novella d’un comique irrésistible. Les personnages qu’elle met en scène sont poussés à l’outrance ce qui les rend terriblement humains. On se permet d’en rire parce qu’ils nous ressemblent.

Alors que Margui et Matti doivent s’unir le soir même, Margui, la future épouse s’enferme dans une chambre à double tour et annonce « pas de mariage, pas de mariage, pas de mariage ». Pour les familles, c’est la consternation, l’inquiétude et les règlements de comptes.
Après les supplications inefficaces du futur marié, les parents de Matti appellent à l’aide un cabinet d’experts spécialisés, « Échappées nuptiales ». Mais comme la psychiatre ne peut pas  s’entretenir avec Margui qui garde porte close, on appelle un camion de dépannage avec échelle pour que la psychiatre puisse atteindre la fenêtre du troisième étage où Margui est enfermée.

Chaque personnage a ses manies, ses travers. Le père de Matti évite soigneusement tout conflit et cherche toujours le dialogue. « Quel être délicat »  décrète Nadia. Mais pour son épouse  Perline, c’est un naïf, aveugle et bête. Cette femme énergique, prend les choses en main et n’oublie pas les 100 000 shekels qu’il faudra payer pour ce mariage raté.
Nadia, la mère de Margui essaye de protéger sa fille et prétend qu’il s’agit d’un malaise passager.
Il y a aussi la grand-mère « Maminou » qui semble perdue, à côté du monde. Et le neveu d’un genre simplet mais le seul à dire les choses sans hypocrisie.
Quant à Matti, il passe par toutes les émotions en cherchant à comprendre ce qui motive sa fiancée. Son amour sincère le rend fragile car il analyse ses propres motivations et son comportement pour y trouver l’origine du désastre.
Margui elle-même est dépeinte, à travers les évocations de Matti, comme un personnage fantasque et imprévisible.

Le génie de l’auteure est de nous faire partager les émotions de chaque personnage en analysant ce qu’ils peuvent ressentir avec une grande sensibilité.
Ainsi Nadia (à propos de Perline), « une vague de dégout l’assaillit, voire de haine envers cette intruse ». « Plus ça allait, plus la glace de cette haine se propageait en elle, finit par lui obstruer la gorge, lui coupa le souffle (elle toussa dans l’espoir de la faire fondre), la plongea dans une terrible angoisse pour sa propre santé physique (je suis en train de faire une crise cardiaque) et mentale (là maintenant, tout de suite, je pourrais l’étrangler de mes mains). »
Et Matti : « …la porte désespérément verrouillée sur laquelle il avait frappé une heure auparavant se muait à présent en impasse intérieure, en voie sans issue mais bondée, remplie d’une masse de visages, ça gesticulait devant lui, sautait, écarquillait les yeux, ouvrait la bouche, on aurait dit des marionnettes à ressort démentes,… »

Au-delà de la critique du carcan familial c’est une satire de la société israélienne qui se cache dans cette novella aux allures de vaudeville. On le comprend à certains détails ; les mariés voulaient se faire photographier dans un square avec des travailleurs soudanais pauvres. Ou encore, c’est un citoyen arabe qui accepte d’amener son camion pour hisser la nacelle au troisième étage. La police s’en mêle et il est arrêté mais les parents de Matti s’en moquent.

« Militante politique, Ronit Matalon était une farouche opposante à l'occupation israélienne de la Cisjordanie. Dans Le Monde en 2012, elle avait dénoncé "le nationalisme israélien mortifère, cette machine à exclure tout ce qui est lié à la culture arabe". Sa dénonciation d'un "régime d'apartheid" dans un entretien au Monde en janvier 2016 lui avait valu de nombreuses critiques en Israël. » (Wikipédia)

Décédée en décembre 2017, Et la mariée ferma la porte est son dernier ouvrage.

Nadine Dutier 
(17/10/18)    




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Pour mémoire






Novella traduite
de l’hébreu par
Laurence SENDROWICZ













Ronit Matalon
(1959-2017)
née en Israël dans une famille juive égyptienne, était romancière, journaliste, essayiste et enseignante. Trois de ses ouvrages ont été traduits en français.







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