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Infolio (Février 2017)

208 pages - 13 €
Louis-Paul GUIGUES

(1902-1996)


Mes agonies

« Avec Mes agonies, vous pérégrinerez par les sentiers et les ronces, vous cheminerez aux côtés d’un jardinier et d’un narrateur pèlerin. (éditeur)
Du pèlerin nommé « Monsieur », le narrateur (un double de l'auteur ?)  qui livre des bribes d'amours et de réflexions sans vraiment se dévoiler, nous en apprendrons,  hors ses souvenirs d'enfance, ses amours et ses visions, finalement fort peu.  Le « Jardinier », serviteur complice qui lui donne la réplique,  assure une présence continue à ses côtés quand d'autres (Le Tailleur/fabriquant de cercueils, le sourcier, le médecin, la mère, l'accoucheuse, la femme aimée, l'âne rouge...) ne font que passer.

Le premier récit (Le portail) aurait un arrière-goût à la Jacques le fataliste de Diderot par la communauté aussi intime que basée sur la contradiction qui s'est installée entre Monsieur et Le Jardinier avec des dialogues où philosophie et bon sens populaire s'affrontent joyeusement. 
Le deuxième (L'âne pèlerin)  évoque la mort avec la palette de la mythologie et la tragédie ancienne.
Du dernier (Nicomède), mon préféré, évocation de la beauté et l'amour où la transfiguration aux frontières du fantastique et très marquée par le surréalisme se révèle particulièrement envoûtante, je vous livre un extrait concernant, alors que les deux hommes se trouvent en chemin vers l'image de l'aimée disparue,  l'enterrement d'un enfant venu mourir aux pieds des deux voyageurs :
« Comment croire à l'amour dans un univers que hantent des hommes couverts de sang [...] N'enterrons pas cet enfant comme une simple pelletée de fumier qui fera verdir quelque touffe d'herbe. [...]Ces aubépines sont une haie de fillettes habillées de blanc. Les campanules violacées et les gentianes bleues sont des femmes et des veuves. Ces ronces, à l'écart dans ce terrain pierreux, sont des sorcières. [...] Tout ce que nous pouvons c'est de le confier à la terre. La terre pourvoira au reste. Et le reste ne nous regarde pas. [...] Remonte un peu le col et rabats-le sur son visage. Laisse-moi le regarder encore une fois. Il devait être joli. [...] Je vais lui couvrir le visage avec des fleurs de mimosa. Avec ce masque d'or, on dirait un petit pharaon. Il n'y a plus qu'à faire glisser la terre. [...] On dirait que nous le bordons dans son lit. » 

 

On trouve dans cette succession de récits dédiés à son ami Pierre Leyris une homogénéité, une force d'évocation et de méditation, un étrange romantisme aux allures aussi baroques que mystiques :
« – Dis-moi plutôt si tu sais ce qu'est l'âme du monde.
– Sais-je seulement quelle est la mienne et si j'en ai une ?
– Connais-tu tous les parfums, toutes les senteurs, toutes les flagrances que ton nez hume sans même s'en douter ? [...] Tous les thyms, tous les silex, toutes les mousses de ce vallon possèdent, sous leur senteur particulière ce ''nous ne savons quoi'' que nous avons appelé l'odeur du vallon, qu'est-ce qui est immortel, l'odeur du vallon composée de toutes les senteurs particulières, ou chaque odeur particulière ? »

Ici le quotidien s'efface devant les chimères et l'étoile scintillante de l'idéal, et le moindre pas précipite vers l'inconnu.
Aux dialogues philosophiques où les idées s'affrontent et s'exposent en de longues répliques, se conjuguent des tableaux extrêmement visuels, parfois sonores, au vocabulaire riche et rare qui cultivent l'étrangeté.
Comme souligné par Eric Eigenmann dans la postface : « ''Vois'', ''voici paraître'', ''écoute'', ''admire'', des injonctions au lecteur rythment tout le texte jusqu'à l'incantation »  tandis que la quête s'incarne en fables qui, par leur mystère, par la langue à la fois tendue, elliptique et imagée, envoûtent le lecteur et sollicitent son imagination autant que son attention.

Un livre inclassable publié  en 1984 par Louis-Paul Guigues après un quart de siècle de silence littéraire, où les intrigues envoûtantes, oniriques et métaphysiques se mêlent aux interrogations sur l’amour, l’art, la mort dans une prose poétique à la fois baroque et épurée qui sait se faire fluide tout en portant à réfléchir.  

L'éditeur Infolio a entrepris de rééditer l’œuvre complète de cet auteur (1902-1996) initialement publiée chez Gallimard, également traducteur de Dante et Catherine de Sienne. Que la collection Maison neuve – qui sort de l'« injuste occultation ses différents livres,  tous également beaux » (Philippe Jaccottet) et nous offre  « une occasion unique de découvrir l'une des plus mystérieuses œuvres romanesques de la seconde moitié du XXe siècle » – en soit remerciée. 

Dominique Baillon-Lalande 
(04/05/17)    




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Pour mémoire









Louis-Paul Guigues
(1902-1996)
Romancier, poète
et traducteur

Bio-bibliographie sur
Wikipédia



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qui lui est consacré :
ww.louispaulguigues.fr












Labyrinthes
1947




Lisbeth
1953




La dernière chambre
1958






Éditions INFOLIO
Collection Maison Neuve