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Joseph BIALOT
(1923-2012)

Le salon
du prêt-à-saigner


Joseph Bialot né à Varsovie en 1923, s’installe avec sa famille en 1930 dans le quartier de Belleville à Paris.
En 1940, il quitte Paris pour la zone libre et s'engage dans la Résistance. Arrêté à Grenoble en juillet 1944, il est déporté à Auschwitz puis libéré par l’Armée rouge en janvier 1945.
De retour à Paris, il rejoint l'entreprise familiale de prêt-à-porter dans le quartier du Sentier.
Dans les années 70, gravement malade, il liquide l'entreprise et se lance dans l'écriture d'un roman policier, Le salon du prêt-à-saigner, dont l'action se situe… dans le Sentier et le milieu de la confection qu’il connaît si bien. Une trentaine d’autres livres suivront, policiers, historiques et témoignages.

Cette année, les éditions Gallimard ont la bonne idée d’ouvrir une nouvelle collection, « Classique Série Noire », avec le premier roman de Joseph Bialot accompagné d’une préface de Tonino Benacquista qui présente le livre et l’auteur : « En mêlant volontiers balles de tissu et balles réelles, il décrit avec une tendresse goguenarde le quartier du Sentier, ses ateliers, son petit peuple de tailleurs et de commis, ses rues où roulent des portants chargés de vêtements. Le verbe est truculent, d'une ironie cinglante sur la France au tournant des années 8o, qui par bien des manières annonce celle d'aujourd'hui ; observateur et volontiers contempteur de son époque, il manie un humour juif parfois teinté d'humour noir qui restera sa marque, dans ses écrits comme dans la vie — sur son faire-part de décès étaient reproduits les numéros qu'on lui avait tatoués à Auschwitz-Birkenau, avec la mention : "Ces chiffres ne sont jamais sortis au loto dans cet ordre ! A vécu !" »

Le salon du prêt-à-saigner est une chasse à l’homme dans l’univers du prêt-à-porter parisien, un homme qui sème des cadavres derrière lui sans la moindre pitié. Il va falloir du temps avant que les policiers puissent relier les premiers meurtres (commis avec une arme identique à 200 mètres l’un de l’autre) avec « Josip Vissiarianovitch, yougoslave de nationalité, qui disposait d’une carte de séjour et préparait une maîtrise de lettres dans une fac parisienne ».
Le lecteur, lui, a très vite le possibilité d’accompagner cet homme sans émotions, toujours armé, qui échappe aux policiers avec son alfa rouge. Au fur et à mesure que l’étau se resserre, il est amené à tuer à nouveau plusieurs fois. Mais pourquoi tout le monde lui en veut-il autant ?
Parce que les policiers ne sont pas les seuls à le rechercher. Il y a aussi une jeune femme qui arrive de Belgrade et va se mettre en quête, pleine de haine et de colère. Et puis un clan de Yougoslaves, dans un bidonville, qui vont lui en vouloir à mort. Et même une bande d’enfants qu’il va décevoir quand ils comprendront qu’il n’est pas le preux chevalier qu’ils pensaient.
Cette traque aux multiples participants est vive et passionnante. On n’a pas le temps de s’ennuyer et on sourit souvent grâce à l’écriture piquante de l’auteur qui décoche des flèches tous azimuts, se moquant du gouvernement, des intellectuels ou des médias de l’époque (en changeant un peu les noms des journaux) et de leurs réactions, par exemple face à une explosion dans Paris : « L’hebdomadaire Seconde publia la photo d’un Arabe avec une légende qui écrasait la page : "C’est lui". » On comprend vite à quel journal l’auteur fait allusion.
Il utilise aussi parfois l’hyperbole, l’exagération extrême des situations qui dégénèrent de manière aussi dramatique que drolatique comme cette arrestation tumultueuse dans un immeuble : « Les gardiens firent demi-tour et matraques levées chargèrent dans l'escalier. L'affrontement changea de dimension. Ce fut Sitting Bull à la bataille de Little Bighorn, la charge de la brigade légère à Balaklava. On passa de la grenade au canon de 155, des roquettes aux missiles, des fusées à l'apocalypse. Les mégatonnes explosèrent.
Le combat prit une telle ampleur qu'il fallut appeler des renforts. Les C.R.S. arrivèrent et la mêlée devint grandiose au son des trompettes du 6e de cavalerie. »
Le lieu, l’atmosphère, les personnages, l’intrigue, l’écriture, tout concourt à faire de ce roman un très bon moment de lecture. La violence des crimes incite le lecteur à souhaiter que Josip soit mis hors d’état de nuire mais la proie est à la fois gibier et chasseur et le suspense est maintenu jusqu’aux dernière pages. Le roman est bien noir mais l’humour aussi et les moments de détente sont bienvenus dans cette traque impitoyable.

Sege Cabrol 
(04/12/24)    




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Pour mémoire




Joseph Bialot
(1923-2012)
né à Varsovie et venu à Paris en 1930, écrivain français et survivant de la Shoah, a publié une trentaine de livres.

Bio-bibliographie sur
Wikipédia



Gallimard Série Noire Classique
(Novembre 2023)
242 p - 12 €

Version numérique
8,49 €



Ce roman a obtenu le Grand Prix de littérature policière en 1979 et bénéficié de plusieurs rééditions.