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Yu HUA


La ville introuvable


Yu Hua situe l’histoire de ce roman au début du XX ème siècle, période de la fin de la dernière dynastie et de la première république chinoise. Mais aussi période troublée où les brigands font la loi, les armées en déroute brûlent les villes, les citoyens sont livrés à eux-mêmes.

Lin Xiangfu est un jeune propriétaire dont les parents aisés et instruits sont morts avant le début du récit. Lin Xiangfu n’avait pas vingt ans quand sa mère est morte. Comme son père, il apprend la menuiserie tout en inspectant ses terres en compagnie du régisseur, Tian l’Aîné. Ils habitent au nord du fleuve Jaune et cultivent sorgho, maïs et blé.
Lin Xiangfu a vingt-quatre ans et n’est pas encore marié quand Xiaomei et Aqiang lui demandent l’hospitalité après un accident de charrette. Ils se présentent comme frère et sœur et viennent du Sud de la Chine, bien au-delà du Yang-tsé-kiang. Aqiang laisse sa sœur chez Lin Xiangfu en lui promettant de revenir la chercher. Mais le temps passe et tandis que Xiaomei s’attache au jeune propriétaire, Aqiang ne revient toujours pas. Un matin, Xiaomei a disparu. Elle a emporté une partie de la richesse familiale sous la forme de plusieurs pièces d’or et n’a laissé aucune explication. Lin Xiangfu en est meurtri et attristé mais le temps passe et il pense qu’il ne reverra jamais sa bien-aimée. Huit mois après, elle revient enceinte de leur fille. Mais un mois après son accouchement, elle disparaît à nouveau. C’est alors que Lin Xiangfu, son bébé sur le ventre, se lance dans une longue traversée à travers toute la Chine pour retrouver le village d’où Xiaomei est originaire dans cette région du Sud où les gens parlent si vite. Cette quête est le prétexte pour montrer la Chine de cette époque troublée. Des brigands sans scrupule qui rançonnent les paysans fortunés en leur faisant subir les pires tortures, des « enfants fiancés » vendus très jeunes pour faire les corvées familiales en échange d’une promesse de mariage. Et aussi, des armées rivales, celle du Kuomintang et l’armée Beiyang, créée par l’empereur mandchou des Qing et qui s’est morcelée en factions au service des seigneurs de la guerre.
L’auteur dépeint des personnages très naïfs, sans esprit critique ; on obéit à l’entremetteuse pour décider de la femme à épouser, les villageois incapables de résister aux pilleurs, toujours prêts à fuir. Très peu de personnages positifs si ce n’est Lin Xiangfu et son ami Chen Yongliang avec qui il crée une menuiserie, ainsi que Gu Yimin, le président de la Guilde des commerçants du village, riche et éclairé. Tous les trois sont prévoyants et courageux et parviennent par ruse et persuasion à créer des milices pour repousser les brigands.
Ce roman est-il une métaphore de ce que l’auteur a connu enfant et qu’il a décrit dans son roman Brothers ; la révolution culturelle et les désordres qui l’ont accompagnée, la naïveté des masses chinoises ? De quoi les brigands sont-ils la métaphore ?

Yu Hua est une figure centrale de la littérature expérimentale : en effet, la deuxième partie du roman est écrite du point de vue de Xiaomei et le récit est tout à fait différent de la première partie.

En lisant ce roman, on imagine qu’il y a plusieurs niveaux de lecture qui restent pour nous inaccessibles. Les traducteurs en ont peut-être percé quelques bribes. Mais le plaisir est intact car les rebondissements sont nombreux et l’imagination de l’auteur est sans limite.
Son style imagé est agréable à lire.

« Sur les chemins de terre et les voies d’eau qui reliaient Xizhen à Shendian, tout le monde avait entendu parler de cet homme qui s’appelait Lin Xiangfu. On le disait très riche, mais personne ne savait rien de lui. […] Beaucoup croyaient se rappeler qu’il était arrivé au cours de la tempête de neige qui avait frappé la région dix-sept ans auparavant : on l’avait aperçu très souvent marchant dans la neige avec une fillette qui n’avait pas un an, et mendiant du lait de porte en porte. On aurait dit un ours blanc pataud, perdu au milieu de la glace et de la neige.
Presque toutes les femmes de Xizhen qui allaitaient à l’époque avait eu affaire à Lin Xiangfu. […] Son regard d’une tristesse infinie était inoubliable.
– Ayez pitié de ma fille, donnez-lui un peu de lait, disait-il d’une voix rauque. »

Nadine Dutier 
(08/09/23)    



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Lectures







Yu HUA, La ville introuvable
Actes Sud

(Août 2023)
480 pages - 24,50 €

Version numérique
17,99 €


Traduit du chinois
par Angel Pino
et Isabelle Rabut









Yu Hua,
né en Chine en 1960, a déjà publié une dizaine de livres chez Actes Sud.