« Prenant conscience de la précarité de sa situation, son rythme cardiaque s'accélère, sa respiration s'affole. Comment s'est-elle retrouvée enfermée dans un lieu inconnu, totalement noir, sans aucun repère ? »
La capitaine de police Solène Melchior, l’héroïne du roman de Pascal Tissier, réquisitionnée, fait occasionnellement partie d’une équipe de policiers du DIPJ de Rennes chargée d’intercepter des passeurs de drogue sur l’île aux Moines, en Bretagne. Afin de ne pas être repérés, les policiers se font passer pour des figurants d’un film britannique dont une partie du tournage se déroule sur l’île. Solène, dès l’embarquement a un mauvais pressentiment. L’opération tourne au cauchemar. Solène est hospitalisée à la suite d’une fusillade entre les policiers et les trafiquants de stups. Sortant du coma, elle peine à reconstituer les événements. Avant l’arrivée de son compagnon, le journaliste Corentin Le Goffic, Solène a reçu, encore vaseuse, la visite d’un célèbre chroniqueur judiciaire officiant dans une émission de télévision très populaire, Bruce Michaël Walker. Personnage très médiatique, à maintes occasions, il a sollicité sans succès Solène pour participer à ses émissions.

Cela intrigue Corentin qui découvre son amie « le visage ravagé par l'anxiété. Solène regarde le plafond. Un bandeau lui cercle le front, laissant dépasser un morceau de pansement. Quand elle prend conscience de la présence de son ami, elle se mord les lèvres et ses yeux s’embuent. Corentin s'approche du lit et pose une main sur la sienne ainsi qu'un baiser sur sa bouche.
– Qu'as-tu de cassé cette fois ?
Elle secoue la tête.
– C'est grave ? insiste-il.
– J'aurais préféré mourir laisse-t-elle échapper dans un soupir.
– J'ai cru comprendre que ton collègue est mort.
– C'est… c'est moi qui l'ai tué. »
L’affaire s’annonce mal, trop d’éléments implacables à charge contre Solène devenue paria.

Par ailleurs et pendant la même période, le célèbre chroniqueur Bruce Michaël Walker, dit BMW, reçoit des lettres de menaces dont il dit ne pas tenir trop compte. De l’intimidation à l’acte, le pas est sauté lorsqu’un des collaborateurs de Bruce est retrouvé mort après avoir subi d’affreuses tortures. Suit l’enchaînement d’événements criminels. Les studios parisiens de production de BMW subissent un début d’incendie. Intrigué, Corentin, l’ami de Solène visite les lieux en compagnie de Jean-Michel Cordéa, un autre collaborateur de Bruce, et découvre un message tiré d’un texte de Dante signé par les initiales ASA et adressé à SM. Pas de doutes pour le journaliste, il s’agit d’un message adressé à Solène Melchior qui dans une enquête précédente avait déjà reçu ce type de message, mais dont l’auteur est censé être mort. Corentin préfère garder le silence mais Solène, toujours hospitalisée, est mêlée, à l’insu de son plein gré, à cet épisode. Plus rien ne va pour elle. En dire plus serait gâcher le plaisir de la lecture prenante d’un roman minutieusement agencé.

L’auteur, Pascal Tissier, avant d’être romancier fut expert criminaliste et son expérience assure la crédibilité de l’enquête aux pistes foisonnantes. Les institutions policières et judiciaires sont soigneusement décortiquées, et malgré une mauvaise presse, constituées et servies par de consciencieux gardiens des temples qui veillent en toute probité, éliminant les brebis galeuses et faisant respecter les procédures. Ces dernières, garantes de la liberté de tout un chacun, gênent quelque peu l’avancée de l’enquête de Solène, un personnage monolithique au caractère bien trempé, tenace et dévouée à faire éclater la réalité des faits, avec toutefois ses fêlures perturbantes. Elle trouve heureusement de l’aide par des chemins de traverses propres à la région bretonne mise à l’honneur. Une histoire prenante avec une écriture millimétrée et efficace qui donne une force granitique aux situations et aux paysages.

Michel Martinelli 
(29/12/23)