Retour à l'accueil du site | ||||||||
« Elle comprit qu'aucun coup de pied envoyé à un fedayin palestinien n'effacerait des siècles d'histoire et ne constituerait une réparation pour tout ce que le peuple juif avait enduré dans le passé. […] elle assistait à l'éternelle persécution des faibles par les forts et ces soldats israéliens n'avaient pas inventé la position puissante et victorieuse de leurs jambes écartées, car c'est ainsi, depuis toujours, que se tenait l'homme armé, conscient de sa force, devant l'homme vaincu et désarmé. » On est cependant, pour la plupart du temps du roman, en 1943 à Varsovie. Hénio, un jeune Juif de 19 ans, s'est enfui du ghetto. Pawlek, son meilleur ami, l'aide à se cacher et à survivre. Pawlek vit avec sa mère ; son père, officier d'artillerie, est interné. Pawlek a toujours été amoureux de celle qui a été sa voisine avant-guerre, la jolie femme du célèbre médecin Ignacy Seidenman. Aussi, quand on le prévient que la Gestapo l'a arrêtée, il déclenche une chaîne humaine qui va permettre à la belle Irma, qui vit depuis la mort de son mari et l'occupation nazie, sous le nom de Maria Magdalena Gestomska, femme d'officier polonais chrétien, d'être sauvée. Pendant les deux jours d'incarcération d’Emma, l'auteur avec des accents dostoïevskiens, va fouiller l'âme des protagonistes de son roman où le romantisme d’Hénio va côtoyer les préjugés du tailleur Kujawski, où le délinquant Bronek Blutman va dénoncer ses coreligionnaires pour sauver sa peau tandis que le juge Romnicki prendra le risque de sauver la fille de l'avocat Henryk Fichtelbaum, le père d’Hénio, et la confier à la "formidable" sœur Weronika. « Voilà que Dieu lui amenait des enfants juifs, faibles et seuls, cherchant une protection. Et c'était elle qui devait les sauver. De l'extermination et de la réprobation. C'était un grand don pour elle et pour ces enfants. Elle se sentit unie à eux par une sorte de communion dans l'angoisse humaine et la nostalgie mystique. Dans un réfectoire retiré dont les fenêtres donnaient sur un potager, à la lumière du soleil qui projetait un large rayon sur le parquet, ou à la lueur des bougies qui sentaient la cire, elle apprit aux enfants juifs à faire le signe de la croix. » L’innocent docteur Korda, spécialiste en langues anciennes, va sortir de ses livres devant le sort réservé à Irma alors que le pur militant socialiste Filipek de tous les combats s'interroge. « Est-ce que vraiment Dieu est avec eux ? se demanda Filipek. Il avait perdu sa bonne humeur. Où était la Sainte Mère de Jasna Gora, d'Ostra Brama, […] des villes proche et lointaines […] si sous les yeux d'un seul homme, au cours d'une seule et même vie, celle d'un cheminot maigre et moustachu, aux mains d’or, la tête sur les épaules, mais impuissant et soumis à de constantes humiliations, s'étaient succédé un cosaque à cheval, un officier prussien à monocle et croix de fer sur la poitrine, un gendarme rondouillard exhibant la svastika et un soldat de l'Armée rouge, vêtu d'une large vareuse, le pistolet-mitrailleur à l'épaule ? » La banalité du mal est là, dans cette humanité ni belle ni moche, qui se débat avec ses préjugés, ses idées, ses élans, ses lâchetés. Ce roman est un véritable chef d’œuvre, on ne peut que se réjouir de le voir réédité aujourd’hui avec une traduction revue et corrigée. Sylvie Lansade (10/07/23) |
Sommaire Lectures Noir sur Blanc (Mai 2023) 272 pages - 23 € Traduit du polonais par Préface de Postface de
Bio-bibliographie sur Wikipédia |
||||||