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Un adolescent bègue, harcelé, humilié peut-il devenir un grand séducteur, un don Juan irrésistible, un mâle alpha respecté et dominateur ? C’est le rêve de Camille même si les moyens qu’il se croit obligé d’utiliser pour atteindre le Graal n’auront rien de très glorieux. On l’accompagne, on le plaint, on le déteste. Après La dissonante où un enfant mutique devenu chef d’orchestre était confronté à un grave dysfonctionnement, Clément Rossi réussit encore une fois un roman profondément humain, nous immergeant dans l’univers d’un personnage empêtré dans ses difficultés et victime de ses désirs inassouvis.« Moi j’étais bègue, c’est-à-dire que ma seule option pour ne pas sombrer dans le ridicule consistait à m’emmurer dans un silence digne. » Camille a tout de même un ami, un jeune Burundais, Innocent, qui sait raconter des histoires et se comporte en griot, assez mystérieux pour être à la fois respecté et craint par les élèves du lycée. Camille éprouve aussi une profonde admiration pour le fils de leurs voisins, Louis-Baptiste Giacomazzi, surnommé LB. ou Elby, ce qu’on appelle un garçon populaire, dont tout le monde observe et imite les moindres gestes. Malgré quelques humiliations – on le surnomme Bernardo comme le serviteur muet de Zorro – Camille est tout de même moins harcelé que d’autres victimes grâce à sa relation privilégiée avec Innocent et Elby. Relégué aux bas-fonds du peuple lycéen, il en arrive à sympathiser avec trois élèves aussi stigmatisés que lui, T’as-chand, Zaza et Golmon. Ils vont se voir en dehors du lycée, s’affronter en jeux vidéo, se raconter leurs rêves, partager les mêmes espoirs… Après le lycée, devenus de jeunes adultes, une rencontre va changer leur vie : Boris, coach en virilisme, gourou d’une petite secte d’apprentis séducteurs. Moyennant finances, Boris va assurer leur formation, mêlant théorie et pratique, avec exercices et épreuves en boîtes de nuit ou dans la rue. Cette deuxième partie du roman est cruelle et pathétique, une belle leçon d’écriture et d’humour au second degré, où les jeunes refoulés deviennent d’odieux personnages, où le lecteur, navré et exaspéré par leur sordides expériences, se demande comment tout cela va se terminer… Décidément Clément Rossi est un fin observateur des comportements humains et un écrivain de grand talent pour mettre en scène des personnages mal dans leur peau qui cherchent éperdument à échapper à leur condition pour se rapprocher d’un idéal si éloigné de leur véritable personnalité. Une quête aussi vaine que dévastatrice. Un auteur à suivre dont on attend déjà les prochains romans qui ne peuvent manquer de poursuivre et enrichir une œuvre si bien commencée. Serge Cabrol |
Sommaire Lectures Gallimard Collection Sygne (Octobre 2023) 288 pages - 21 €
Découvrir sur notre site le précédent roman de Clément Rossi : La dissonante |
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