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Sébastien RAIZER

Terres noires

Si nous ne conservons pas les vertus barbares,
acquérir les vertus civilisées ne nous servira à rien
Theodore Roos

 L’Amérique est une nation en guerre.
[…] Ce n’est pas un simple état d’urgence
ou une crise passagère. C’est notre réalité,
[…] un avenir de conflits incessants, de combats
quotidiens, […] où la paix sera désormais l’exception.
Peter Schoomaker, Chef d’état-major de l’US Army, 2004

Cités dans le chapitre 20 intitulé Torch the darkness

« Et quand ils ont eu fini de tout bombarder, les Américains nous ont ramenés chez nous avec leurs camions. Mon Dieu, quel foutoir ils avaient fait ! Les Allemands, eux, ils suivaient une voie de chemin de fer avec leur avion et vlan ! la gare de triage ! Ils suivaient une route et vlan ! le pont ! Mais les Américains en foutaient partout, ils balançaient leurs bombes n’importe comment, t’aurais vu ça ».

Terres noires, ce n’est la Seconde Guerre mondiale, mais c’est bel et bien une guerre d’aujourd’hui.
« Après un moment de silence, durant lequel il avait observé les arbres torturés par les rafales de vent sur la colline, Keller avait bu une rasade directement à la bouteille et ajouté qu’en Ukraine comme au Mali, au Burkina Faso, en Birmanie, en Syrie, en Somalie, au Soudan, au Tigré, au Yémen, au Nigeria et dans mille autres pays, la population ne subissait plus seulement la manipulation et l’aveuglement, ne subissait plus seulement l’exploitation, la corruption massive et le désespoir, mais qu’elle souffrait désormais dans ses chairs déchirées par des éclats d’obus, dans ses poumons brûlés par le phosphore, qu’elle souffrait à la vue de parents, d’amours et d’amis allongés dans un flaque de poussière et de sang, les yeux vides et la langue pendante. Partout, avait dit Keller. Partout. Dans leur maison, dans leur rue, dans leur champ, dans leur école, à l’hôpital, dans les recoins sombres où ils pensaient avoir trouvé refuge.
La guerre est la dernière ressource économique, avait-il dit. Le dernier vocabulaire du genre humain. À l’heure où nous parlons, exactement soixante-neuf guerres sont en cours. Bienvenue dans le XXIème siècle de l’humanité, en espérant sincèrement que ce soit le dernier. En tout cas, c’est bien parti pour… »

Cette guerre se déroule également dans ce troisième roman de la trilogie (après Les nuits rouges et Mécanique mort) dans la zone des Trois Frontières. C’est la guerre entre la ‘Ndrangheta calabraise aux méthodes modernes, un peu start-up, qui économise ses « ouvriers » et vend une drogue « naturelle », bref, une mafia  au capitalisme écologique, quasiment en « bon père de famille », incarnée par Nicola Santo Serra et HSBS, un groupe qui a, via d’autres entreprises, une armée américaine privée, passe commande à la mafia serbe et qui est pour une drogue synthétique qui tue le consommateur, en clair un libéralisme qui détruit, où l’argent est vite gagné, mais « scie la branche sur laquelle il est assis », dirigé par Thomas Allen.

C’est la guerre entre les deux, destructions de repaires aux roquettes, attaques à la kalachnikov, tortures, Dimitri Gallois devra « chevaucher le chaos » dans ces Terres noires comme dans Les nuits rouges, surtout que Luna s’est fait kidnappée alors qu’ils s’apprêtaient à quitter la région, l’Europe, pour des jours tranquilles et heureux.

Dans ce roman très noir, on retrouve tous les personnages des deux précédents, plus Shakespeare et Dostoïevski, avec en plus la sauvagerie et la folie de la guerre. Une trilogie réussie.

Michel Lansade 
(13/11/23)    



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Noir & polar







Sébastien RAIZER, Terres noires
Gallimard / Série noire

(Septembre 2023)
272 pages - 19 €

Version numérique
13,99 €






Sébastien Raizer,
né en 1969,
auteur et traducteur,
vit maintenant à Kyōto.

Bibliographie sur
Wikipédia








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du même auteur :

Confession japonaise
Mercure de France, 2019

Sagittarius
Série Noire, 2016

Les nuits rouges
Série Noire, 2020

Mécanique mort
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