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Gert NYGÅRDSHAUG


Chimera


Ce thriller écologique nous plonge au cœur de la forêt tropicale, dans une station de recherches scientifiques installée au Congo. Cette station n’est pas encore construite, l’auteur situe son roman dans un futur proche non précisé où l’état de la planète aura continué à se dégrader.

La découverte d’un virus très dangereux susceptible d’anéantir une grande partie de la population mondiale pourrait faire penser au Covid mais le roman, traduit en français et publié en 2023, a été écrit en 2011 ! Ce n’est pas l’exploitation d’une actualité récente mais une effrayante prémonition ou plutôt un avertissement basé sur de réelles recherches qui, hélas, n’a pas été pris en compte. Le « monde d’après » n’a guère changé.

Dans un prologue d’une quarantaine de pages, l’écrivain, au Nigéria, enquête sur la pollution des fleuves et des mers par des navires arrivant du monde entier avec des porte-conteneurs remplis d’appareils électroniques mis au rebut et « de produits chimiques industriels extrêmement dangereux, expédiés par des usines en tous genres ; des tonnes de déchets toxiques éliminés par les hôpitaux, mais aussi par le secteur d'extraction du pétrole et du gaz, du mercure, des bidons de PCB, hautement toxique, qu'il est strictement interdit de jeter dans la plupart des pays, mais pas ici. »
Dans un bar, il a rendez-vous avec un chercheur-plongeur qui travaille pour une organisation issue de Greenpeace. Il étudie les océans et présente à l’écrivain un bilan si terrifiant des milieux marins que l’auteur, écœuré, élargit son projet et décide d’écrire le roman qu’on va lire…

« La station de recherche baptisée CORAC, Congo Rainforest Center, avait élu domicile au bord d'une petite rivière sans nom qui finissait par se jeter dans le fleuve Congo au bout de plusieurs centaines de kilomètres. Un beau site cerné par la forêt, avec une pelouse bien peignée descendant jusqu'à la rive qui servait de terrain d'atterrissage aux hélicoptères de ravitaillement venus de Kigali ou Lubumbashi. »
Dans cette station vivent et travaillent une vingtaine de personnes, pour la plupart des scientifiques recrutés parmi les meilleurs du monde : botanistes, zoologistes, entomologistes, ornithologues, biochimistes…

Nous allons plus particulièrement suivre certains d’entre eux et notamment Karl, un zoologiste norvégien (un double de l’auteur, norvégien lui aussi) et Zoe, une entomologiste australienne.
Dès les premières pages, Karl recherche le mâle alpha d’un groupe de gorilles, Nelson, qui semble pris de folie au point de devenir très agressif allant jusqu’à dévorer certains jeunes de son clan. Il est obligé de l’abattre et l’autopsie montrera qu’un virus inconnu (qu’ils nomment Chimera) a attaqué son cerveau. Pourquoi lui et pas les autres ?

Quelque temps après, Karl et Zoe décident de rendre visite à un petit village de Mbuti, une tribu sédentaire de cultivateurs-cueilleurs-chasseurs qui partage le territoire où vit le clan des gorilles de Nelson. En arrivant sur place, ils découvrent que tous les habitants sont morts sauf un petit garçon. Pourquoi eux et pas lui ?

Karl et Zoe recueillent le petit garçon et l’auteur nous offre de beaux chapitres, drôles et émouvants, sur l’adaptation du petit Mbuti aux habitudes et à la langue des scientifiques.

Nous suivons aussi les travaux de tous les chercheurs, leurs découvertes et leurs aventures professionnelles ou amoureuses (la cohabitation mixte prolongée y est propice), avec de belles pages sur la flore et la faune de la forêt tropicale.
Mais à aucun moment on oublie que Chimera est avant tout un virus, à la fois redoutable et sélectif, susceptible de tuer une large partie de la population mondiale. Après tout ne serait-ce pas un bien pour la planète ? C’est là que le roman écologique prend des allures de thriller…

Voilà un roman aussi passionnant que salutaire, une belle galerie de personnages attachants ou inquiétants, un voyage initiatique au cœur de la forêt congolaise, et une présentation implacable des diverses façons dont l’humain dégrade sa planère sans réelle réaction d’envergure comme un marin écopant un cargo avec une cuiller à café. Au train où se mettent en place les solutions, les dégâts causés par les dérèglements climatiques vont pouvoir s’amplifier et ravager la surface du globe. Gert Nygärdshaug nous aura pourtant prévenus…

Serge Cabrol 
(07/08/23)    



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Gert NYGÅRDSHAUG, Chimera
Gaïa

(Mars 2023)
496 pages - 23,90 €


Traduit du norvégien par
Françoise Heide








Gert Nygårdshaug,
né en Norvège en 1946, fut tour à tour bûcheron, charpentier, marin, conseiller municipal et professeur de philosophie avant de se lancer sur la scène littéraire avec des recueils de poésie et de nouvelles. Son œuvre est composée d’une quarantaine de romans, contes, livres jeunesse, thrillers et polars.
La Trilogie de Mino,
parue chez J’ai lu,
lui a valu une immense reconnaissance de la part de la critique et du public. Très concerné par la cause environnementale, Gert Nygårdshaug a consacré une bonne partie de sa vie à se battre pour la préservation des forêts pluviales, notamment en Amazonie. (Source éditeur)


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