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Gérard LEYZIEUX

Passage

Le titre invite à la réflexion, de quel passage s'agit-il ? Un passage comme sur mes montagnes, dangereux, par exemple sur une barre, une ruelle couverte, un passage comme cette ruelle qui a beaucoup de chalands, ou un passage, un moment ? Ou encore, à la lecture des poèmes qui nous invitent à jouer avec les mots, le pas sage, celui qui avance lentement mais sûrement, ou celui pas sage du tout, au sens antique du terme ? Le poème est plus explicite :
Trace de toi, trace de nous
Trajectoire au cours des jours toujours
Trajectoire qui expérimente tout être au monde
Il s'agit bien du passage de notre présence au monde, « traces de toi, sur la trace du temps ».

Naturellement la seconde personne interroge aussi. S'agit-il du « tu » autre ou de l'auteur qui se parle à lui-même ? Pour ma part, j’opte pour les deux, « trace de toi, trace de nous » indique que le « tu » est en « nous ».

Cependant la lecture des poèmes influe dans le sens de Gérard Leyzieux qui se parle à lui-même, quand on lit celui-ci :
Tes yeux ont perdu leur regard
Ils ne s'approprient plus les lieux alentour
Ils ont aboli la perspective qui s'ouvre devant toi
Deux boules noires emplies de nuit
Aucune saillie, aucun éclair, pas de lumière...

Comme si, « avec le temps, va » se faisait une cécité à son environnement quotidien dans la vieillesse, et plus largement pour le « vieux monde », une cécité au monde, un regard qui ne se tourne plus que sur soi, un regard qui n'est plus qu'intérieur, ainsi se poursuit le poème :
Tes yeux voient ta voie vibrant du soir
Cheminement inversé de la vision
Tes yeux à la recherche de ton horizon
Parcours répulsif à aux hésitantes directions
Immobiles et sans reflets tes yeux inspectent ton corps
Concentrant toute leur attention sur ton incompréhensible vide

Gérard Leyzieux développe le thème du regard tout au long du recueil, ainsi « Regarder vers l'entrée en cours » ou « Il trans-verse son regard en l’objet envié », ou encore :

Tu regardes, cherches et observes
Absolue conclusion
Irrémédiablement, chaque jour, chaque nuit, chaque seconde
Amèrement solitaire tu te rends compte que
Tu perds ton corps

Le regard compte le corps, compte le temps pour aboutir à la fin.

Neige au soleil
Passage imperceptible
Où disparaître

Ce recueil est fait d'une écriture aiguë, jouant avec les mots, assonances, surtout allitérations, avec les blancs, qui a suffisamment d'acuité pour faire ressortir le suc du verbe, du passage du temps où « tu te traînes dans tes traces ».

Michel Lansade 
(21/07/23)    



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Poésie








Tarmac

(Avril 2023)
60 pages - 19 €