Jean François Parot, qui a écrit 14 volumes des enquêtes de Nicolas Le Floch avant son décès en 2018, aurait voulu que son personnage traverse la Révolution française. C’est Laurent Joffrin qui a repris le flambeau. Après Le cadavre du Palais-Royal qui se déroulait en 1789 et L’énigme du Code noir en avril 1791, nous voici maintenant en juin de la même année, au moment où Louis XVI tente de s’enfuir du palais des Tuileries avec sa famille et quelques proches.
Nicolas le Floch, toujours fidèle au roi, accompagne cette tentative qui, pour diverses raisons bien présentées dans le roman, se termine à Varennes, dans la Meuse, où le roi doit faire demi-tour.
Nicolas Le Floch ne peut empêcher à lui seul l’arrestation du roi mais il est discrètement chargé par Marie-Antoinette d’une mission secrète :
« — Voilà. J'ai laissé entre les mains de mon secrétaire, Rossignol, qui est aussi mon chiffreur, une lettre confidentielle. II doit la mettre en lieu sûr. Mais s'il tarde, il risque d'être arrêté par ces affreux Jacobins et de livrer ses secrets. Pouvez-vous repartir sur le champ à Paris et vérifier que tout est en ordre, avant notre retour ? Si la lettre est rendue publique alors que nous sommes prisonniers aux Tuileries, on s'en servira contre nous et le pire est à craindre. »

Dès lors, le roman mène de front les efforts de Nicolas pour retrouver cette lettre compromettante et la façon dont la fuite ratée du roi est interprétée et instrumentalisée par les diverses forces politiques. La thèse des monarchistes est de faire croire que le roi a été enlevé et conduit vers l’Est contre son gré.
Les monarchistes sont divisés : conserver Louis XVI (même sans pouvoir comme un symbole) ou le remplacer par un roi plus ferme comme le comte de Provence (frère du roi et futur Louis XVIII) ou le duc d’Orléans (futur Philippe-Égalité qui votera la mort de son royal cousin mais sera lui aussi guillotiné).
Les révolutionnaires ne sont pas tous opposés au maintien d’une monarchie constitutionnelle mais les plus offensifs veulent la démission du roi et rêvent à l’émergence d’une république.
Les débats sont acharnés pour admettre ou non que la fuite du roi a été un enlèvement.
La lettre de la reine, rendue publique, pourrait bien faire pencher la balance contre la monarchie.
  
Le problème, c’est que lorsque Nicolas arrive à Paris, une mauvaise surprise l’attend aux Tuileries : « Le cabinet de Rossignol était sens dessus dessous, chaises renversées, tiroirs ouverts, dossiers éparpillés, armoires béantes. Et au centre de la pièce, dans une pose en croix, le visage convulsé, Rossignol gisait, ensanglanté, un poignard planté dans la poitrine. »

La police aussitôt appelée arrive sur place avec à sa tête Pierre Bourdeau, le fidèle adjoint de Nicolas dans les aventures précédentes. Nicolas est ravi de le revoir mais ce n’est pas réciproque. Bourdeau est au service de l’Assemblée et le fait que Nicolas ait accompagné le roi dans sa fuite est une faute grave.
Nicolas se défend :
 « – Je suis fidèle à mes amis, au roi, à la reine et à toi… 
– Fidèle aux trois à la fois : voilà qui sera de plus en plus malaisé. »
Mais l’affaire est trop grave pour que leur fâcherie nuise à l’enquête. Ils vont donc se réconcilier et mener cette aventure ensemble.

Qui a tué le chiffreur de la reine ? Qui a volé la lettre ? À qui est-elle destinée et quel est son contenu ? Qui d’autre connaît le code permettant de la lire ?
Beaucoup de questions qui vont mener Nicolas sur la piste d’une société secrète et le mener à Jersey avec l’aide d’une jeune femme exceptionnelle.
« – C'est Olympe Le Hérel, un phénomène dans le port. Elle est plus hardie qu'un capitaine corsaire et elle n'en fait qu'à sa tête. Quand elle ne navigue pas, elle passe son temps dans les livres. Un vrai bas-bleu. Elle en tient pour les révolutionnaires de Paris et nous farcit l'esprit de ses raisonnements. Elle a même adhéré à la Société des amis de la Constitution. Mais les pêcheurs la respectent : elle leur en remontre dès qu'elle est sur l'eau. »
Elle va le conduire discrètement sur l’île anglaise et lui permettre d’en revenir au prix d’une fuite mouvementée qui donne à l’auteur l’occasion d’un beau chapitre de combat naval.

Nicolas, bien sûr, va réussir à remplir sa mission en louvoyant parmi tous les secrets du courrier chiffré, tous les débats sur le rôle du roi et l’avenir de la révolution, sans oublier son tempérament fougueux de beau quinquagénaire qui a du mal à rester fidèle à Aimée d’Arranet, sa compagne officielle.  Encore une aventure rondement menée et nul doute que le roi, dans la période troublée qu’il traverse, aura certainement encore besoin de Nicolas Le Floch, marquis de Ranreuil. À suivre…

Serge Cabrol 
(08/11/23)