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Hélène, ex-commissaire de police, enquête sur la disparition d’une famille. Un suspense bien construit, un dénouement inattendu, un bon polar, mais pas seulement. Au-delà de l’énigme et de sa résolution, c’est son contexte qui est à la fois original et passionnant, nous emmenant autant du côté de George Orwell que de Georges Simenon. En novembre 2049, une famille disparaît. Ce qui autrefois n’aurait été qu’un fait divers parmi d’autres prend des allures de traumatisme social parce qu’un événement de cette nature ne semblait plus possible "ici et maintenant" dans la nouvelle société de la Transparence. Pour comprendre l’avènement de cette société de la Transparence, il faut revenir vingt ans en arrière, à la « semaine de la vengeance » de 2029. « Tout a commencé quand un célèbre influenceur du nom de Julian Gomes a porté plainte contre son oncle. À son million d'abonnés, il avait raconté comment cet homme l'avait violé quand il était petit et expliqué les répercussions qu'un tel secret avait eues dans sa vie. […] la plainte fut classée sans suite : les faits étaient prescrits. » Le lendemain, équipé d’une caméra, il est allé tuer son oncle. Après son arrestation, un vaste mouvement de soutien a demandé sa libération. « Sur les réseaux sociaux, des centaines de jeunes se coordonnent pour mener des actions ciblées. Ils veulent imiter le geste de Julian Gomes, tous ensemble, et au même moment. Le hashtag "Revenge Week" – semaine de la vengeance – devient viral. Un climat insurrectionnel s'installe en France. Les victimes punissent leur bourreau. » Et c’est dans ce monde de la Transparence que l’autrice nous embarque aux côtés d’Hélène, qui a connu le "monde d’avant" (le nôtre), une narratrice fine et observatrice, capable d’analyser les avantages et les inconvénients du nouveau système, ses progrès et ses limites. Nous la suivons à la fois dans son quotidien, sa vie personnelle, et dans l’enquête qui lui a été confiée ce qui nous permet de découvrir toutes les facettes du nouvel univers qui s’est bâti en vingt ans. La disparition de la famille Royer-Dumas est une affaire très mystérieuse. Ce jour-là, vers dix-sept heures, la patrouille de voisinage a bien vu Milo, huit ans, rentrer de l’école, accueilli par ses parents. Mais une heure plus tard, les vitres de leur maison ayant été savonnées, ce qui est formellement interdit par le règlement, les gardiens ont été prévenus. Lorsqu’ils sont arrivés, la mère, le père et leur fils n’étaient plus là. Personne ne les a vus partir ce qui semble impossible dans un monde où tout le monde observe tout le monde. La société de la Transparence n’a pas supprimé les classes sociales et l’organisation de l’habitat en témoigne. Hélène, qui n’a pas les moyens de vivre dans le luxe de Paxton, habite dans un quartier intermédiaire, rénové et vitré, mais avec une atmosphère moins sécuritaire. La transparence n’étant pas une obligation, ceux qui la refusent, par option personnelle ou par manque de moyens, peuvent résider dans des quartiers qui n’ont pas été rénovés mais comme il s’agit de leur choix de refuser la sécurité, la police n’y intervient pas. Les cités sont restées ou devenues les lieux de tous les trafics. Pour son enquête, Hélène est amenée à évoluer dans des univers socialement très différents, à la manière d’un Maigret, qui ne ménage pas ses heures sur le terrain pour s’immerger dans la vie des victimes et comprendre ce qui motive les coupables. Un roman original et passionnant qui en dit long sur les tendances de notre société actuelle tout en empruntant avec talent les codes du roman policier. Une preuve de plus que la fiction est un merveilleux outil pour appréhender le réel. Un troisième roman très réussi, une autrice à suivre… Serge Cabrol (24/08/23) |
Sommaire Lectures Gallimard (Août 2023) 240 pages - 20 € Version numérique 14,99 € Prix Renaudot des Lycéens 2023
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