Abandonné à sa naissance, Glenn, recueilli par un pasteur et son épouse, est poursuivi par des policiers. Il leur échappe cependant. Au même moment, un bienfaiteur du collège de Rugby, Angus O’Malley, participant à une réunion avec le directeur de l’établissement a pu, depuis une fenêtre, admirer la dextérité avec laquelle le jeune Glenn s’est esquivé. Le directeur, Sir Lawrence Robshaw vient juste de présenter à O’Malley un nouveau professeur chargé des séances de sport, Thomas Arnold. En partant, O’Malley débusque le jeune délinquant qui ne fait qu’entamer sa vie de chapardeur demandant beaucoup d’adresse, de vitesse, voire d’initiatives pour ne pas tomber dans les mailles de la police. O’Malley a immédiatement détecté ces qualités chez le fuyard. Il compte les exploiter, notamment pour faire évoluer le sport pratiqué au collège, une sorte de football aux règles encore floues puisqu’il est possible d’utiliser ses mains, objet de controverses. Il demande aux parents adoptifs de laisser Glenn étudier au collège, et lui se charge du reste, le faisant passer pour un neveu venu d’une contrée lointaine. Les qualités athlétiques de Glenn font merveille. Mais, gêné par ses habitudes de roturier, il se trouve mal à l’aise lorsqu’il se confronte au milieu social des aristocrates affichant leur mépris des manières populaires. Glenn n’est pas seul dans la tourmente : Ivy, la fille du directeur de l’établissement oppose une indépendance acharnée à l’establishment. L’amitié entre elle et Glenn glisse doucement vers une idylle sans que pour autant Ivy renonce à son autonomie.

Deux siècles plus tard à Saint-Malo, Charlie, une jeune adolescente joueuse de rugby s’effondre pendant un entraînement. Elle apprend la gravité de son mal et la sentence tombe : leucémie. Elle entame un protocole de soins et doit s’absenter des terrains, ce qui lui sape le moral, mais elle reste déterminée à lutter contre sa maladie pour retrouver sa place parmi les joueuses. Dans le même temps, son club connaît des difficultés financières et les comptes dans le rouge n’augurent guère d’espoirs de pérennité. La mère de Charlie, Agathe, ancienne enseignante en littérature, tient présentement une libraire à Saint-Malo. Apprenant cette nouvelle, elle veut éviter à sa fille une plus grande déconvenue. Le rugby donnant du sens à la vie de Charlie, l’en priver serait l’amputer de l’avenir.  Elle trouve un moyen pour pérenniser financièrement le club. Une chaîne de solidarité viendra clôturer ses efforts. Pendant son traitement, Charlie rencontre Argan, un malade diabétique très âgé avec lequel elle sympathise. Apprenant la passion de Charlie pour le rugby, au fil des semaines, Argan lui remet des carnets. Ces livrets seront le lien avec Glenn, une sorte de passe arrière aboutissant à un essai transformé ; une forme de revanche sur le passé.

Un roman attachant, plein de tendresse, de clins d’œil et d’humour discrets, dans lequel la solidarité, valeur positive essentielle au rugby, se développe aussi hors des terrains malgré quelques fâcheux. L’amitié et l’amour forment le liant indispensable qui fait sublimer les moments délicats. L’espoir s’accompagne de ténacité dans les combats de la vie comme sur le terrain. Ne jamais s’avouer vaincu, une évidence dans la pratique de ce jeu devenue une vertu du monde de l’ovalie qui demande des efforts et de la connivence. La symbiose se convertit aussi en un idéal à appliquer dans la vie quotidienne : rien ne se fait sans quelques efforts et ils seront toujours récompensés en dépit du résultat, surtout si ce dernier émane d’une coopération. Victoires ou défaites, cela vaut la peine d’aller jusqu’au bout des objectifs fixés, l’important c’est l’engagement. La rouerie ne paye pas. L’écriture d’Histoires en mêlées d’Hélène Gloria coule naturellement pour illustrer un propos sobre et très sensible, éclairant délicatement les situations auxquelles le cours de la vie peut amener à se confronter sans se défiler et apprendre la patience d’attendre leurs dénouements.

Michel Martinelli 
(20/09/23)