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Claudio FAVA


La vengeance de Teresa


Pour un début, c’est un début qui compte : « L’idée de le tuer me vint soudain à l’esprit : une pensée inévitable. Au début je ne me souvenais même pas de son nom. C’était un gars parmi tant d’autres que j’avais vu s’agiter durant les jours où ça c’était passé. » 
On poursuit la lecture après cette entrée en matière et, toujours dans le premier chapitre : « Je m’appelle Teresa. Sicilienne, célibataire, orpheline de père. Quand je décidai de tirer sur cet homme, j’avais trente-deux ans et je m’y connaissais un peu, en morts. »
On continue à lire, on plonge dans le récit !

Mais quelle énergie dans les propos ! On a l’impression que la force de l’écriture ne tient pas seulement dans ce qui est dit ou rapporté mais dans cet élan avec ses déploiements, où les réflexions à l’emporte-pièce, dites comme ça, presque l’air de rien, frappent par leur justesse de ton, de forme, la finesse de leur à-propos judicieux … Et qui tombent juste où il faut quand il le faut !
 C’est sans doute cela l’écriture à pic !

Bien sûr, le thème, n’y est pas pour rien…
 « La ville avalait tout. Elle se réveillait, comptait les tués, ramassait leurs chairs et retrouvait très vite l’envie de penser à autre chose, aux granités à la pistache de Bronte, à certaines femmes plantureuses de la rue Etnea, aux serveurs avec leurs petites cravates tordues qui vous remplissaient les cannoli de ricotta fraiche comme s’ils peignaient la chapelle Sixtine. »

Il serait peut-être plus simple de résumer ce roman, mais ce serait inutile. Car il est non seulement bien construit et percutant, mais surtout subtilement efficace : « Il suffisait d’allumer la télévision sur la chaine locale : combien d’hommes importants, combien de grands professeurs, de rédacteurs en chef, de chevaliers du travail qui débarquaient dans le salon de la télévision, qui croisaient les jambes en fixant les cameras […] Ensuite vous les écoutiez et découvriez qu’à l’intérieur de ces mots, il y en avait d’autres, mais cachés, tenus en laisse. »

Quelque chose qui nous viendrait de l’intime, que nous n’aurions pas encore pu, ou su, formuler, des phrases simples, mais qui paraitraient pertinentes et d’autant plus justes… « C’était une rencontre brève, le souvenir de ces grandes marées d’octobre qui arrivaient soudain et emportaient tout, cabines, canots, plongeoirs. […] Les jours de vent âpres, les éclaboussures des vagues remontaient jusqu’à la rue en une pluie épicée, la brume de sel me semblait surréelle, un autre tour de magie de mon père, encore une intimité qu’il partageait avec cette mer. »

Un excellent roman « noir », atypique peut-être, avec cette touche personnelle et précieuse qui ne donne pas envie de le raconter, mais juste de dire à quel point le rythme ainsi que le choix des mots peut suffire parfois à stimuler l’esprit et à donner ce gout de poursuivre…
Et pourtant quelle histoire ! Vengeance d’une jeune femme ? Souvenirs difficiles à porter ? Une libération inévitable ?

Quant à la culpabilité, l’autrice nous donne un indice sur les membres de la mafia : « Tout le monde allait au plus simple avec cette histoire de culpabilité : les voleurs, les complices, les assassins, il leur suffisait de prendre leur ration quotidienne de remords, et ils s’en allaient tout droit au paradis. »

Mais ce n’est pas si simple et cette histoire est très addictive, sur fond de crime, de mort, de vengeance…

Anne-Marie Boisson 
(28/06/23)    



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Noir & polar







Claudio  FAVA, La vengeance de Teresa
Métailié Noir

(Juin 2023)
164 pages - 18 €

Version numérique
12,99 €


Traduit de l’italien par
Engenia Fano








Claudio FAVA,
né en 1957, est un journaliste, écrivain et homme politique italien. La dénonciation du crime organisé est au cœur de son engagement politique.