Dans toute son œuvre romanesque, Jean-Louis Coatrieux a su donner à ses personnages – réels ou fictifs – une voix singulière toujours empreinte d’une grande humanité. Voix de combattants pour la dignité, la liberté, en proie aux tragédies du XXe siècle et à son cortège d’injustices.
Natcho s’inscrit dans la continuité de son œuvre. Ainsi allons-nous rencontrer dans ce nouveau roman Vonna et son petits-fils Natcho, les deux personnages centraux confrontés aux tragédies de l’Histoire. Nous retrouvons Vonna alors jeune infirmière italienne et combattante du fascisme mussolinien qui rejoindra les brigades internationales en Espagne avec la brigade Garibaldi. Les épreuves du combat, les blessés, la défaite des républicains puis l’exode… Et c’est toujours avec justesse et sans complaisance que l’auteur restitue un épisode historique sans oublier des figures de l’anti-franquisme aujourd’hui oubliées comme par exemple Margarita Nelken ou bien Federico Montseny :
« Oui, nous réussissons à passer clandestinement en France et nous nous réfugions à Marseille. Quand je pense aujourd’hui que la France n’eût aucun respect pour ces combattants de la liberté lorsqu’ils refluèrent d’Espagne, la guerre perdue. La plupart de nos compagnons furent internés à Argelès et à Barcarès. Plus d’un an dans des conditions misérables comme d’ailleurs tous les civils, hommes, femmes, enfants et vieillards préférant l’exode à la dictature ! C’est un scandale, une honte pour le pays de 1789. D’autant que beaucoup participeront à la Résistance française. Qui sait que la compagnie blindée qui ouvrira les portes de Paris, la Nueve sera espagnole ? »
Après l’exode, Vonna, enceinte, rentrera clandestinement en Italie avec son compagnon qui disparaîtra… Elle élève seule son fils qui, devenu médecin, partira au Venezuela soigner les déshérités et qui disparaîtra lui aussi tragiquement avec son épouse dans un accident de voiture, laissant seul au monde leur fils Natcho…
Vonna décidera alors de partir au Venezuela pour, elle aussi, soigner les déshérités et recueillir Natcho… Elle vit modestement avec son petit-fils dans le barrio, un bidonville sur les hauteurs de Caracas et soigne comme elle peut les gens avec les moyens du bord… Ici commence la rencontre du narrateur Humberto, jeune écrivain et journaliste avec Natcho ; rencontre singulière entre cet enfant qui, avec ses copains, recueille les restes dans les restaurants pour les donner aux vieux  démunis du barrio et l’écrivain journaliste qui découvrira la vie du barrio, ses solidarités, ses combats contre l’injustice, ses drames.
Sans dévoiler toutes les péripéties qui vont se nouer entre le narrateur, Natcho et sa grand-mère, Jean-Louis Coatrieux brosse une magnifique fresque du Venezuela vue du barrio et la parole est donnée à ceux et celles que nous entendons rarement. Belle occasion aussi pour l’auteur de s’interroger sur la littérature :
« La littérature n’est-elle pas pure vanité ? Et ce que j’essayais d’expliquer à Natcho, pur mensonge ? De quelle autorité, je m’autorisais à soi-disant philosopher, moi qui n’avais rien appris du monde ? J’aimerais affirmer que la littérature augmente notre humanité, qu’elle peut nous offrir plusieurs vies mais la réalité me contredit chaque jour. Cette utopie de croire à l’intelligence sans penser qu’elle aussi sait être plus cruelle encore… »
Mais aussi de nous faire découvrir les paysages et les contes de l’Orenoque, des écrivains et poètes vénézuéliens peu connus en France comme par exemple : Teresa de la Parra, Ana Enriqueta Terán, Rafael Cadenas ou bien encore Arturo Uslar Pietri.
Bref, comme tous les livres de Jean-Louis Coatrieux, Natcho est un livre qui réchauffe le cœur.