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Horacio CASTELLANOS MOYA


L’homme apprivoisé

Le héros, ou plutôt l'anti-héros de ce roman est Erasmo Aragón, l’un des deux personnages du précédent roman de l’auteur, Moranga. Dans Moranga, Erasmo est un professeur d’espagnol « paranoïaque et aigri, obsédé par les shorts trop courts de ses jeunes étudiantes, qui part à Washington pour consulter les archives de la CIA et tenter de résoudre l’énigme de l’assassinat du grand poète salvadorien, Roque Dalton. »

 Dans L’homme apprivoisé nous le retrouvons dans une université américaine d’où il a été exclu après avoir été faussement accusé d’abus sexuel sur mineure. Même si la justice l’a mis hors de cause, il a perdu son travail et son droit de séjourner aux États-Unis. Cette histoire provoque chez lui une crise de paranoïa aiguë qui l’oblige à séjourner à l’hôpital psychiatrique. C’est là qu’il rencontre Josefin, une belle et énergique infirmière suédoise. Elle le prend en sympathie et fait tout pour l’aider. Quand il ne peut plus payer son loyer, elle l’héberge chez elle, et quand son stage prend fin et qu’elle repart en Suède, elle l’invite à venir avec elle. Erasmo «se demande encore ce qu’elle a bien pu lui trouver, lui un homme aux nerfs détruits, sans emploi ni avenir, injustement accusé d’infamie. »

Tout le roman est centré sur Erasmo, emprunte son point de vue. Même s’il n’est pas le narrateur, car l’auteur utilise « il », c’est à partir de ses angoisses, ses obsessions, sa façon de voir le monde que le lecteur est confronté à cette histoire.
On comprend rapidement qu’Erasmo souffrait de paranoïa avant cette fausse accusation. Il évoque les voix qui lui parlaient dans sa tête
« Avant sa crise, […] la voix dans sa tête, entrait en conflit avec quelqu’un censé lui avoir causé du tort, cela pouvait être n’importe qui – sa mère, sa supérieure hiérarchique, l’un de ses collègues ou l’une de ses ex-maîtresses – […] À présent, la voix dans sa tête, continue à ressasser en dépit des cachets, mais elle ne se plaint pas, elle demande pardon, toute contrite, à ceux auxquels elle a fait du mal, les mêmes par lesquels, avant, il se sentait agressé. »
Les cachets de paroxétine contrôlent en partie sa dépression mais « il a perdu les réflexes, l’étincelle, » s’est démotivé pour ses recherches. Il reste en état de choc, son esprit est ailleurs, il ne fait rien de sa vie si ce n’est traduire quelques documents. Rien ne le passionne, même pas les livres d’histoire qui avant l’enthousiasmaient tant. Quand il emprunte un livre, il lit quelques pages et abandonne. À Stockholm il rencontre un compatriote qui lui propose de rejoindre une association de Salvadoriens mais élude le sujet. L’abstinence nécessaire pour cause de médicament ne dure qu’un temps, et ce sera la chute définitive d’Erasmo.

Le sujet qui hante Horacio Castellanos Moya est la violence qui poursuit ses personnages partout, même dans l’exil. L’angoisse ne quitte pas Erasmo condamné à l’errance, dans tous les sens du mot.
Son style est précis, son langage est cru, une écriture efficace.

Nadine Dutier 
(25/10/23)    



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Métailié

(Mai 2023)
128 pages - 17 €

Version numérique
9,99 €


Traduit de l’espagnol
(Salvador) par
René Solis




Horacio Castellanos Moya,
né au Honduras en 1957,
a grandi et fait ses études au Salvador. À partir de 1979, il s’exile dans de nombreux pays. Il a écrit une vingtaine de romans qui lui ont valu de nombreux prix mais aussi des menaces de mort.

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