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« Lorsque Marvin se présente devant elle, Tiffanie n’a plus envie de rentrer. L’homme redevient la promesse d’autre chose que l’ennui. » Marvin invite Tiffanie à danser et le coup de foudre est immédiat, pour l’un comme pour l’autre. Très vite, c’est une évidence, la vie de couple est inévitable. Le premier roman de Louis Cabaret, Tout part à la nuit, débute avec l’apparition de Marvin, tel un ange. S’inspirant du quotidien, animé par les aléas des bons et mauvais moments d’une cellule familiale, l’auteur accélère ou ralentit le rythme de la narration. Ce serait une belle histoire d’amour relatant la banalité et l’intimité de chamailleries s’il n’y avait ce mystérieux personnage surgit de nulle part De page en page, l’auteur épure le portrait de Marvin, et la narration vagabonde souvent sur des personnages secondaires pour affiner la description de cet « homme grand, avec de large d’épaules, le visage étroit… ». Marvin est un homme ayant sans doute un passé mais personne ne le connaît, pas même le narrateur. Il donne le sentiment d’une maturité et d’une assurance. Il évolue aisément dans l’entourage de Tiffanie, la native de la région qui se conforme à ses désirs dans une relation fusionnelle. Marvin travaille pour un patron dans une entreprise du bâtiment, et la personnalité de cet ouvrier idéal impressionne au point que l’employeur ne tarit pas d’éloges à son égard. Pas de doute Marvin est sympathique et sait se faire apprécier de la clientèle qui le loue. L’homme est fiable. Côté couple, Marvin se montre très amoureux, manifestant des désirs empressés et irrésistibles auprès de Tiffanie, une belle femme, petite quarantaine, mère de deux enfants, Chris un adolescent impétueux et Joris un enfant de sept ans parfois revêche. Marvin, au début de leur relation idyllique a tempéré quelque temps son désir de conjugalité, mais assez rapidement, s’immisce dans la famille et prend pied. Il prévient les enfants et l’entourage qu’il n’est pas là pour remplacer le père des enfants. À l’occasion, il dompte leurs réticences, les amadoue plus ou moins en essayant de les raisonner tout en estampillant à sa figure de médiateur, entre eux et leur mère, une certaine fermeté. Rôle qu’apprécie Tiffanie surtout lorsque Chris fugue. Son travail d’aide-soignante aux domiciles de personnes âgées dans lequel elle se dévoue pour leur bien-être est harassant, chronophage et moralement épuisant. Il est difficile pour elle de consacrer beaucoup de temps à ses enfants et Joris boude ostensiblement Marvin. Pourtant ce dernier prend souvent le relais dans l’éducation, se montre compréhensif, arrondit les angles, est toujours ou presque disponible. Cela n’empêche pas quelques pointes de ressentiment que Mamie-Zette, malgré quelques doutes à son encontre, essaie d’infléchir. La narration donne à découvrir un fabuleux personnage monolithique très déterminé, propulsé par sa propre force d’inertie, une sorte de boule de billard qui percute d’autres boules pour faire le ménage, ne connaissant pas de bouleversement intérieur, conservant sa force d’inertie pour continuer d’agir. La narration nous dévoile, par moments, son mécanisme. Marvin analyse les situations, devine les antipathies et applique alors une stratégie relationnelle déjà éprouvée. Au gré des rencontres, il flatte, calcule, et sait détecter un conflit latent dans l’entourage de Tiffanie. Nul besoin de violence pour désamorcer un imbroglio naissant. Il est bon sophiste, parle et manipule bien, toujours quand il le faut. Il repère les tendances des uns et des autres, et, à grand renfort d’alcool et de shit, calme le jeu. Il apparaît comme un homme intègre pouvant faire la part des choses, soucieux de tranquillité et d’une sincérité désarmante. Le personnage ne connaît pas d’évolution et reste le même, préoccupé d’irénisme. Tout au long de son roman, Louis Cabaret, via les relations familiales ou amicales de Tiffanie, assemble le puzzle du personnage de Marvin, pièce par pièce. Mais, certaines découpes brouillent l’ajustement quand, voulant justifier son intérêt pour Chris et Joris, l’homme pose des questions intéressant le père des enfants. Ce dernier, dit "Le père", purge une peine de sept ans de prison, condamnation prononcée à la suite du cambriolage d’une bijouterie dont le butin est resté introuvable. "Le père", figure d’abord lointaine, émerge lui aussi peu à peu, discrètement, au sein de la narration, et ne traîne pas la même notoriété que Marvin. Par contraste, il parachève le brillant de l’aura de Marvin qui tâche de rapprocher le prisonnier de ses enfants. Mamie-Zette a raison ; Marvin est bon comme le pain, alors que, dans le même temps, Joris combat l’ange. Affaire à lire ! Michel Martinelli (31/08/23) |
Sommaire Lectures Liana Levi (Août 2023) 208 pages - 19 € Version numérique 14,99 €
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