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Christian BLANCHARD


Sur l’île de la rédemption


Ce roman noir se déroule sur l’île de Batz, une nuit de tempête, dans une atmosphère lourde et violente, propice à la révélation de secrets de famille amassés au fil de toute une vie.
La narrateur, Arthur, soixante-dix ans, a invité ses trois fils et leurs épouses à venir fêter son anniversaire le soir de Noël. Élie, l’aîné, est chirurgien à Brest. Jason est intermittent du spectacle, spécialisé dans l’événementiel, notamment les grands festivals de musique. Abel est journaliste pour Reporters sans frontières.
Arthur ne les a pas revus depuis très longtemps. Il n’a jamais réussi à les aimer, n’a jamais pris plaisir à jouer avec eux. C’est Béatrice, sa femme, qui les a voulus et s’en est occupée.
Avant de mourir, elle lui a confié une mission : « Tu aurais pu être simplement un père pour eux. Même pas. Je connais tes raisons, mais, un jour, il faudra le leur expliquer. Cette tâche t'incombe. »
C’est la raison de cette soirée. « À soixante-dix ans, je leur dois des explications. Une forme de rédemption. Un acte égoïste. Je ne partirai pas sans leur raconter qui je suis. Ne pas chercher leur compassion ni leur pardon, juste de la compréhension. »
Leur compréhension, ce n’est pas gagné d’avance. Ils ont trop souffert de ses absences, de son éloignement. Quant à en comprendre les raisons, ils ne sont pas au bout de leurs surprises…

Arthur commence le récit à la rencontre de ses parents, sa naissance, son enfance, son adolescence… et dès le début, on comprend que c’est mal parti pour la tendresse, l’amour et le bonheur. On ne va pas révéler tout ce qu’a subi le petit Arthur, le lecteur le découvrira en même temps que les trois fils. Mais un épisode tout de même qui a lui seul, justifierait déjà la lecture du roman, comme un témoignage des pratiques moyenâgeuses employées pour « guérir » l’homosexualité qui était un délit jusqu’en 1982 et considérée par l’OMS comme une maladie mentale jusqu’en 1993.
Les parents d’Arthur ont rejoint une secte religieuse pentecôtiste dirigée par le pasteur Philippe, Le Berceau de la Sérénité. Malgré l’obligation de confession, pas question d’avouer que dans les catalogues de La Redoute ce ne sont pas les filles en maillot de bain qui lui faisaient de l’effet mais les garçons. Quand le pasteur Philippe décède, c’est son fils Matthias qui lui succède. « Pour ma part, j’y voyais une opportunité. Matthias était jeune. Il me comprendrait. » Arthur a vraiment besoin de parler à quelqu’un de cette attirance « contre nature » qu’il ne peut réprimer malgré tous ses efforts. Impossible de révéler à ses parents cet horrible péché ! Alors il demande un entretien privé au pasteur. Mal lui en prend. Le pasteur évoque tout de suite cette grave maladie avec les parents du jeune pécheur et propose un programme de guérison en plusieurs étapes. La première est une autocritique devant la vingtaine de membres de la secte. Pour les étapes suivantes, un médecin est venu aider le pasteur et des méthodes plus musclées se sont succédé à base de drogues, de projections de diapositives, d’électricité… Seule la fuite lui a permis d’échapper à la lobotomie. Rien n’a pu le « guérir » de son homosexualité. Une révélation difficile à entendre pour ses enfants et ce n’est pas la seule. Qui était vraiment Béatrice, leur mère ? Comment l’a-t-il rencontrée ? Pourquoi et comment sont nés les enfants ? Arthur a encore beaucoup de zones d’ombre à éclaircir et notamment tout ce qui concerne le grand amour de sa vie…

En alternance, le roman est entrecoupé de courts chapitres en italique intitulés « Quelque part dans le noir ». Un homme est emprisonné dans un lieu sans lumière ni fenêtre. Il ne sait pas pourquoi, il ne sait pas par qui.
« Je ne me souviens pas de la date du jour où je suis arrivé ici, ni le comment et le pourquoi. Le noir était déjà total.
Les consignes, ou plutôt le rituel des repas et de la restitution des ustensiles, m'ont été données par une bande sonore sortant d'un haut-parleur, quelque part au-dessus de moi. Un leitmotiv imprimé dans mon crâne : "Tu disposes d'un récipient pour tes besoins. Tu seras nourri et tu auras de l'eau. Au premier son de cloche, tout doit être déposé devant la petite porte. Si tu ne suis pas correctement mes ordres, tu n'auras ni à manger ni à boire." »
Abandonné à lui-même, il a le sentiment de sombrer dans la folie. Au fil du roman, nous partageons ses pensées, ses interrogations, ses cauchemars.

Entre la dureté des révélations d’Arthur, l’incompréhension voire l’hostilité de ses enfants, la violence de l’orage qui se déchaîne pendant la nuit sur cette île coupée du monde et les lamentations de l’homme emprisonné, l’atmosphère n’a rien de léger, on est loin d’un joyeux Noël ! Christian Blanchard nous livre un roman bien noir sur fond de tempête infernale où l’on se demande longtemps quand surviendra la rédemption évoquée en couverture. Suspense…

Serge Cabrol 
(01/12/23)    



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Noir & polar







Christian BLANCHARD, Sur l’île de la rédemption
Palémon

(Septembre 2023)
336 pages - 11 €








Chriatian Blanchard,
né à Dieppe en 1959, a déjà publié de nombreux romans noirs (notamment chez Belfond) et obtenu plusieurs prix littéraires.