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Mokhtar AMOUDI


Les conditions idéales


Skander, le narrateur, s’exprime sur un ton volontairement naïf qui donne toute sa fraîcheur à ce personnage. Cette naïveté apporte de l’humour aux situations les plus tragiques. Ce roman nous fait mesurer l’abîme entre deux cultures, deux modes de vie séparés seulement par le boulevard périphérique.
De milieu social et familial très défavorisé, Skander est placé à l’Aide sociale à l’enfance très jeune.
Sa famille d’accueil lui offre un certain répit. Sa Tatie Nicole le protège des mauvaises influences des « voyous » du quartier. Sa « sœur d’abandon » lui donne une illusion de famille. Son assistante sociale, « ange gardien chargée de me rendre la vie plus agréable » l’encourage dans sa passion de lire. Mais il devra quitter cette famille suite au décès de Tatie Nicole.

Sa nouvelle famille, et surtout le quartier où il vit, vont jouer un rôle essentiel dans le destin du jeune collégien. La cité de Courseine c’est la cité de tous les dangers. Il faut se montrer courageux, se battre comme un homme, ne pas dénoncer ses complices. Lors d’un voyage en Suisse organisé par la mairie pendant les vacances de février, Skander est initié au cannabis et, perdant tout sens des réalités, imitant ses camarades, se met à taper sur un touriste dans l’œuf qui les mène au sommet. Le touriste porte plainte et Skander est reconnu par le monsieur qui est diplomate. Skander ne dénonce pas ses acolytes et c’est lui qu’on expulse de Suisse et interdit de vacances jusqu’à nouvel ordre.

La mère de Skander, prostituée, voleuse et alcoolique accueillait son fils un week-end sur deux. Faute de nouvelles, Skander découvre qu’elle est à Fleury. Il veut lui rendre visite sans savoir que c’est le nom d’une prison. « Ah, c’était donc ça, Fleury, une prison. Avec un nom aussi joli, j’imaginais pourtant une ville de bord de mer, en Normandie, par exemple. Plutôt que Fleury, ils auraient dû l’appeler Prison, Prison-la-Ville. Au moins on serait fixés.
J’imaginais les raisons pour lesquelles ma mère s’y trouvait ; les maudits chèques volés de Régis, ça ne pouvait être qu’eux les coupables. Seul avec ma tête remplie de noirceur, j’ai écrit à ma mère. Au fond, j’étais aussi en prison. » 
Comme Skander devient « décadent et insolent » on l’inscrit aux cours de Fouad, l’imam de la ville. Mais les cours se passent en arabe et Skander ne connaît de cette langue que les rudiments grâce à Madame Khadija qui parle souvent en arabe. Il ne retient aucune prière ni l’ordre des ablutions. Il abandonne.
Les Collines Noires et les habitants de Courseine sont des ennemis jurés. Même si Skander ne veut pas se battre, il ne pourra pas y échapper. Faire un tête à tête avec un gars des Collines Noires est le seul moyen de se faire respecter. Après la bagarre, il a mal partout, pas que dans la tête. Mais le combat lui a permis « de gagner non en respectabilité, mais en durée de stationnement paisible ».

Au lycée il devient allergique au fardeau des devoirs et accepte l’idée de passer en filière technique pour obtenir un bac qui « ne nécessitait aucun effort et ne promettait aucun avenir. »
Un jour, Skander remplace un vendeur de cannabis et en quelques heures il vend tout. Il se met à vendre à son tour, « on ne trouvait pas mieux pour amasser ». Mais lorsque son revendeur se fait prendre, Skander tombe avec lui et la menace de la prison est à l’horizon. La prison serait-elle héréditaire ? sa mère et son père y sont passés, ses camarades de collège, ses voisins, est-ce la case obligée ?

Ce roman est une immersion dans un monde de misère, de violence, de combines, toujours racontées avec ce ton naïf qui en fait le charme. Ce qui distingue Skander des autres enfants, et va le sauver, c’est son insatiable curiosité, son optimisme et son amour de la littérature.
C’est une peinture sincère mais jamais misérabiliste de la banlieue.

Nadine Dutier 
(25/09/23)    



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Lectures







Mokhtar AMOUDI, Les  conditions idéales
Gallimard

(Août 2023)
256 pages - 21 €

Version numérique
14,99 €





Mokhtar Amoudi
Les conditions idéales
est son premier roman.

Prix Envoyé par
La Poste 2023

Prix Goncourt
des détenus 2023