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Stéphane CARLIER

Clara lit Proust



Lorsqu’un livre est excellent, il est parfois difficile de savoir par où commencer les louanges. C’est le cas pour le nouveau roman de Stéphane Carlier, le délicieux Clara lit Proust dont la lecture fait sourire dès la première page. Peut-être est-ce d’ailleurs par là qu’il faut commencer : c’est un livre aux apparences légères, porté par des personnages simples (des coiffeuses et leur clientèle), le tout traité avec un réalisme délicat.
On y suit la vie d’un salon de coiffure, un petit, un ordinaire, où la patronne, Mme Habib, chouchoute ses clientes autant que ses salariées. Parmi elles, Clara. Aussi ordinaire que le salon, elle est en couple depuis quelques années, participe aux dimanches en famille et fait ses brushings du mieux qu’elle peut. Son existence, parfois, lui paraît un peu pâlotte mais les autres ne vivent-ils pas comme elle ?
Par ce simple questionnement, on sent que le roman va opérer un tournant, ce qu’il fait sans perdre de son réalisme délicat, par l’intermédiaire d’un livre oublié que Clara va trouver sur le comptoir du salon, entre brosses et bigoudis. Non lectrice, elle va d’abord le ranger. Puis par hasard le ressortir. Puis l’ouvrir. On s’en doute : le livre est d’un certain Marcel Proust.
Qui n’aime ou ne connaît pas Proust, l’aimera et le découvrira grâce à Stéphane Carlier qui, au fil des pages, va nous livrer la façon de le connaître et de l’apprécier. Rien d’analytique évidemment. Une découverte vécue à hauteur de personnage, à travers la non lectrice Clara, la coiffeuse qui, a priori, ne doit pas lire Proust.
Non seulement Clara va le lire mais il va la bouleverser et donner un sens à cette vie qu’elle trouvait pâlichonne. Mots, phrases, virgules, elle apprend à tout décoder à sa manière, à ressentir et éprouver les difficultés et les plaisirs de la langue. De son personnage, Stéphane Carlier va ainsi faire une lectrice à la Pennac : quelqu’un qui hume les textes, qui en perçoit les vibrations, la musique, rien ne passant par l’intellect, uniquement par les sens. Clara devient en somme l’incarnation de la lecture pour tous.
À une époque où la littérature perd de plus en plus de lecteurs, ce roman est un gigantesque courant d’air frais. On se remet à croire que même Proust, l’écrivain réputé le plus ardu, est accessible à n’importe quel lecteur pour peu qu’il ouvre le livre. Et c’est vrai. Clara le prouve. Stéphane Carlier le prouve, lui qui manie toutes les langues et toutes les voix, mêlant le monologue d’une cliente ou le franc-parler de Mme Habib à des lignes de La recherche, cela dans une joyeuse symphonie, une vivante et tendre symphonie.
Un livre à applaudir.

Isabelle Rossignol 
(20/09/22)    



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Lectures







Stéphane CARLIER, Clara lit Proust
Gallimard

(Septembre 2022)
192 pages - 18,50 €






Stéphane Carlier

Clara lit Proust
est son huitième roman.



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