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Jean-Bernard POUY


Le marais pot-de-vin


Après avoir inventé des enquêteurs comme Le Poulpe ou le libraire Pierre de Gondol, Jean-Bernard Pouy fait revivre ici le détective privé créé par Léo Malet en 1943. On est toujours à Paris, bien sûr, et ce n’est plus la guerre mais un virus qui paralyse la ville.
Nestor Burma a fermé son agence Fiat Lux et quitté son métier de détective pour devenir comédien mais entre confinement et reconfinement l’aventure théâtrale a du plomb dans l’aile et Nestor se pose des questions sur « l’avant » et « l’après ».
« Je n'ai pas vraiment une immense envie de recommencer ma vie d'avant. Ma petite agence. Mes coups durs. Le dérisoire des merdes de tous les jours. La vache enragée, souvent.
Je ne suis plus détective "privé". Je me suis privé de tout pour échapper à ça.
Mais voilà, le virus est revenu, clament les gazettes. C'est reparti, pour un tour. »
Et, malheur des malheurs, le Jean-Bart est fermé ! Son bistrot préféré, où il croisait tous ses potes, a baissé le rideau.
Désespéré, il replonge dans le passé et nous raconte sa dernière enquête, au printemps 2019, « quand tout allait presque bien ».

C’est justement au Jean-Bart qu’elle a commencé. Tous les potes étaient là, sauf un : Marco, le laveur de carreaux. Lolo qui travaille pour la même entreprise est très inquiet. Tous les vendredis, ils se retrouvaient le midi dans un troquet du coin et là, personne. Pas de nouvelles depuis deux jours, ce n’est pas arrivé depuis des années.
À la demande des copains, Nestor a accepté de se renseigner sur la "disparition" de Marco, sans savoir dans quelle aventure il se lançait.

Les personnages récurrents de Léo Malet ont un peu changé. La secrétaire de Burma, Kardiatou, est africaine et Faroux est toujours commissaire mais s’appelle Stéphanie au lieu de Florimond. Il faut vivre avec son temps…

En téléphonant aux hôpitaux, Kardiatou a retrouvé Marco, en soins intensifs suite à une agression sur la voie publique après son boulot dans une galerie de peinture du Village Saint-Paul dans le Marais. Qu’a-t-il vu qu’il n’aurait pas dû voir en lavant sa vitrine ?

Nestor décide d’y aller jeter un œil et découvre que la galerie vend surtout les toiles d’un peintre breton inconnu, Albert Guémadec. Grâce à Mansour, son génie de l’informatique, il apprend que le peintre est non seulement inconnu mais totalement fictif.
Que diable trafique-t-on dans cette galerie ? Pourquoi vendre les toiles d’un peintre imaginaire ? Qu’est-ce qui peut justifier l’agression du laveur de carreaux ?

Nestor est contacté par une femme qui veut savoir ce que fait sa fille de vingt et un ans en sortant tous les soirs depuis six mois. Où va-t-elle ? Avec qui ?
Bien sûr les deux histoires vont se croiser… autour d’une péniche devenue boîte de nuit sous un nom audacieux : le Titanight.

Évidemment, la manie viscérale du détective de fouiller partout ne va pas faire que des heureux et il va prendre quelques coups au passage. Ce sont les risques du métier…

Mais ce ne sera pas suffisant pour atténuer son sens de l’humour. Les calembours et autres jeux de mots fleurissent au fil des pages. Quelques exemples...

« Sur le quai, un peu plus loin, j'ai été arrêté par deux femmes, l'œil légèrement halluciné, qui tenaient plus des "Témoins de Gévéor" que de Jéhovah, qui m'ont quasiment hurlé au visage : "C'est Noël, Jésus est né !".
Ça m'a tué. Je leur ai gueulé, je n'ai pas pu m'en empêcher : "Vivement Pâques, qu'il crève !" »

« Durable... Quel terme à la noix. Je me souvenais d'un resto, dans le 3, spécialité : le lapin, qui s'appelait "Le Développement du Râble". Ça n'avait pas marché. Tu m'étonnes... »

« — Tu me fais penser à je ne sais plus qui disait : "Ce n'était pas une lumière parce qu'il était niais"... »

Et pour finir ce florilège, une définition de mots croisés :
« — Une bonne nouvelle venue de Bretagne... En neuf lettres ?
— Bécassine.
— Vous m'étonnerez toujours, Nestor.
— Aucun mérite. C'est une définition célèbre de Perec. »

On ne s’ennuie pas une minute en suivant Nestor Burma dans cette nouvelle enquête et Léo Malet serait heureux de voir son héros lui survivre sous une plume aussi malicieuse et impertinente. Entre le Poulpe et Nestor Burma, difficile de ne pas trouver une connivence et une fraternité. Le temps passe mais les héros rebelles ont la peau dure.

Serge Cabrol 
(17/01/22)    



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Noir & polar








AZ éditions
(Août 2021)
200 pages - 16 €






Jean-Bernard Pouy,
né en 1946 à Paris, auteur de nombreux romans noirs, nouvelles et pièces de théâtre, est aussi le créateur du célèbre personnage Le Poulpe.


Bio-bibliographie sur
Wikipédia




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