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MAURY-VICTOR


Des hommes sans nom


Après quelques décennies de désaffection, l’espionnage revient en force dans la fiction, qu’elle soit télévisuelle avec Le bureau des légendes ou littéraire avec Espionnage cette nouvelle collection créée par Marc Dugain chez Gallimard.
L’état du monde s’est enflammé : les crises politico-militaires, la montée des nationalismes, l’arrivée au pouvoir des forces les plus conservatrices, la menace permanente du terrorisme, les enjeux de plus en plus perceptibles du dérèglement climatique… La géopolitique ne cesse d’observer et interroger tous ces phénomènes. La littérature ne peut pas rester à l’écart de ces profondes transformations de l’état du monde. Mettre en scène des personnages et les lancer au cœur des fournaises, c’est le rôle des romanciers et c’est ce que font à merveille Hubert Maury, ancien militaire, casque bleu, officier, diplomate, et Marc Victor, journaliste de terrain pour de grands médias, romancier et cocréateur de la série Kaboul Kitchen. Ils savent de quoi ils parlent et nous font à la fois partager des émotions extrêmes, découvrir des lieux très éloignés des chemins touristiques et comprendre un peu mieux certains rouages des relations internationales.

Parmi tous ces "hommes sans nom", qui travaillent sous couverture et pseudonyme, il y a aussi des femmes et ici, nous allons surtout accompagner une espionne, toujours très liée au formateur de ses débuts. Elle veut monter une opération très délicate, pour ne pas dire machiavélique, qui la mènerait jusque dans des zones montagneuses et désertiques à la frontière entre Afghanistan et Pakistan.
Lassée par la lenteur de son évolution de carrière au sein de la DGSE, elle se lance dans une partie d’échecs diabolique pour prouver ce dont elle est capable.

En 2010, Victoire Le Lidec, issue d’un milieu aisé, a décidé après des études aux Langues O’ d’intégrer la DGSE. Quelques mois plus tard, elle a eu la chance d’être sélectionnée pour une formation d’Officier Traitant, la filière dont elle rêvait. Ce stage était dirigé par Nikolaï Kozel, un ancien légionnaire, aussi compétent qu’exigeant. Elle en a pas mal bavé mais elle a beaucoup appris. Elle est maintenant « une femme en mesure de s’adapter à toutes les situations, de tout endurer, de se mouvoir dans tous les milieux. »

En 2016, le capitaine Kozel est nommé à Tunis. « Daesh semble vouloir s'implanter durablement dans la Libye voisine. On veut que vous nous recrutiez une source capable de nous renseigner là-dessus. Votre réputation vous colle aux grolles, mon vieux. La Yougoslavie, le Cambodge, la Côte d'Ivoire... Vous y aviez recruté les meilleurs agents. Vous partez dans quinze jours. » Kozel a rapidement rempli sa mission en parvenant à recruter Ahmed Messaoui ancien légionnaire comme lui, qui a des contacts à la frontière libyenne. Sous le pseudo de Centaure, Ahmed accepte, moyennant finances, de l’informer sur les agissements d’un djihadiste de Daesh, Suleiman al-Chichani. Tout se déroulait pour le mieux dans le meilleur des mondes de l’anti-terrorisme, d’autant plus que Suleiman ne cessait de monter en grade au point de devenir un dirigeant islamiste important, quand tout s’est effondré. Centaure a été tué en mission et Kozel a perdu tout contact avec Suleiman.

En 2017, Victoire Le Lidec s’intéresse à une école coranique du Pakistan dirigée par une vieille femme autoritaire, Khadimat. Cette « madrasa » réservée aux filles formerait en réalité de jeunes kamikazes comme celle qui a commis un attentat en Inde faisant des dizaines de morts dont huit Français. Le président de la République lui-même a assuré qu’on punirait les coupables. Victoire a trouvé aussi une islamiste repentie, Nadia, qui accepterait d’être infiltrée dans cette école pour savoir ce qui s’y passe. Mais comment établir le contact avec Khadimat pour lui présenter Nadia ?

Victoire va relier des histoires apparemment sans lien, Kozel, Centaure, Suleiman al-Chichani d’un côté, Khadimat et la madrasa pakistanaise de l’autre mais sans révéler toutes les données de son plan auquel personne ne croirait. Elle avance par étapes, manipulant les uns et les autres, y compris le capitaine Kozel pour lequel elle ressent toujours beaucoup d’admiration et d’empathie mais sans oublier la rudesse de sa formation.

En alternance, on accompagne donc Victoire, lassée par le sexisme de l’institution qui ne lui a pas permis de se réaliser pleinement au fil des sept années passées et qui est déterminée cette fois-ci à aller au bout de son projet ; Kozel qui rumine son échec en Tunisie et voudrait comprendre pourquoi tout s’est effondré ; et quelques autres comme le sournois Mansuy qui voudrait prouver que Kozel a été manipulé par les services secrets russes…

Maury et Victor réussissent un passionnant roman d’aventures aux personnages attachants au cœur du combat entre les services secrets et les réseaux islamistes.
Le prochain titre d’Espionnage (à paraître en octobre) sera l’œuvre du directeur de la collection, Marc Dugain. À suivre…

Serge Cabrol 
(16/08/22)    



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Vagabondages Noirs







MAURY-VICTOR, Des hommes sans nom
Gallimard

Collection Espionnage
(Mai 2022)
320 pages - 18 €


Couverture en collection Folio
Folio

(Septembre 2023)
336 pages - 9,20 €












Hubert Maury
et Marc Victor
se sont rencontrés au Cambodge en 1993. L'un était casque bleu, l'autre journaliste. Ils se sont retrouvés ensuite à plusieurs reprises, en Afghanistan, au Pakistan... Marc Victor a travaillé pour de nombreux médias (Libération, RFI, France Inter...) et cocréé la série Kaboul Kitchen avant de devenir romancier (Le bout du monde, JC Lattès). Hubert Maury, après une longue carrière d'officier et de diplomate, se consacre au dessin et à l'écriture de romans graphiques. Des hommes sans nom s'est nourri de leurs expériences respectives.
(Source Gallimard)