Je ne connais pas Catherine Guérard, le nom, cependant, Catherine Guérard, évoque quelque chose dans le puits sans fond de ma mémoire.
L’objet est beau, solide et élégant à la fois ; de ces livres que nous aimons poser un temps sur une étagère, au milieu de mille autres qui ont eu leur importance, sans pouvoir dire le pourquoi aujourd’hui. Tout est si éphémère, sauf peut-être l’amour et son souvenir.

La lecture, haletante, non à cause d’un quelconque suspense – il y en a peu – mais parce que le cœur s’emballe, palpite jusqu’aux bords des lèvres en un baiser aussi timide que passionné, puis s’arrête, ce cœur cruel, et vous entraîne jusqu’au vide. L’absence, toute vie réduite à néant.
Le livre refermé, j’ai murmuré : « C’est sans aucun doute la plus belle histoire d’amour depuis Roméo et Juliette ».

Entre la première et la dernière page on trouve l’essence même de la littérature : un style, simple, direct, pétri d’humour, qui dessine tout en nuances, pour l’incorrigible romantique que je suis, l’amour. Où ne manque aucune des étapes des grandes tragédies classiques : rencontre, attirance, doutes, extase, séparation… et je n’irais pas plus loin, car goûter à son rythme, ses envies l’incroyable découverte que sont Ces Princes fait partie de son enchantement.
Un amour sans nom, d’autant plus que prohibé par la société d’alors – le livre se situe en 1955, mais il aurait bien pu être au 19ème ou toute autre époque à la morale corsetée et contre nature – quand le désir, la passion, la tendresse trouvent leur source en une seule phrase dont la beauté resonne encore à mes oreilles : « … le Général lui passa une main dans les cheveux en lui demandant s’il aimait les caresses masculines ».

Catherine Guérard a écrit Ces princes en 1955, ce fut le premier des deux livres qu’elle publia, au cours d’une vie passée à l’ombre de grands écrivains, non encore oubliés mais peu lus, sauf lors d’études universitaires. Un visage banal, un nom banal, un long manteau d’oubli comme il en sera pour tous, sur cette artiste qui a créé une œuvre – deux seuls livres édités, écrits ? – qui brille par sa liberté, ce côté iconoclaste et tendrement familier pour l’humanité où ni le genre ni le sexe importent, puisqu’il s’agit d’amour.

Ce sont les Éditions du Chemin de Fer, dont le catalogue regorge de trésors, qui ont mis à jour ce dernier. Exigeants, maniant la plus pure éthique avec curiosité et talent, ils juxtaposent art et littérature en un cocktail stupéfiant qui leur est propre.
Laissez-vous enivrer par celui-ci.