Retour à l'accueil du site





Paul FOURNEL

Attends voir


Voici un roman étonnant : « Pendant longtemps on a cru que le méchant était Ray Duluc. Il faut dire qu'il avait le profil : des meurtres, des vols de pâtisseries (cookies, flans), des faux en écriture, des rôdes sur le darknet et les sorties d'école. Ce n'était pas exactement un bon bougre. Mais comme a dit la cheffe : "Ça n'en fait pas pour autant un coupable – en tout cas pas coupable de ça." Ce fut un moment de déception. On est toujours déçu quand on a construit toute une histoire, qu'on pense tenir un coupable et qu'il est innocent. C'est tout le roman qui s'effondre d'un coup. »
On pourrait penser que tout s’arrête mais le récit ne fait que commencer. Kévin Prou, après avoir suivi le « méchant Ray Duluc », a pour mission de surveiller Milou Destrée. Il s’habille donc pour être le moins visible possible car son « travail ne souffre pas l’amateurisme ». Le professionnalisme, tel qu’on l’imagine, ne sera peut-être pas ce qui définira le mieux Kévin Prou !

Sa vie est rythmée par de longues surveillances dans sa voiture faites d’attentes, de repas sommaires, d’écoute de la radio « Tout s’y répète donc tout s’y oublie, sauf l’heure qui, elle, change toujours. La porte que je surveille est toujours fermée. »
Parfois, il voit la cible « Elle porte un long paquet qui pourrait être un fusil. »

Kévin Prou n’est pas très au clair avec les tâches qu’il réalise, parfois l’on navigue entre rêve éveillé et réalité. Il semble se faire son propre cinéma ce qui conduit à de nombreuses interrogations.

L’histoire familiale de Kévin Prou est complexe. Il vit toujours chez sa mère.
« – Tu es fatigué, mon fils.
– Non, je ne suis pas réveillé.
– Je sais lire les poches sombres sous tes yeux. Ces gens t'épuisent et t'exploitent.
– Ils me paient aussi pour ouvrir l'œil. Il y a pire besogne.
– Méfie-toi parce qu'à force de regarder, on finit par ne plus rien voir, ou par voir autre chose, ce qui est pire. Des visions, des rêves, des cauchemars...
– Je ne laisse rien passer de la réalité. Je note, je photographie, je précise ensuite s'il le faut. »

Nous retrouvons l’humour oulipien qui se joue des codes. C’est un thriller où Kévin Prou est dans le flou. « Il existe deux façons sûres de pister quelqu'un : en le suivant ou en le précédant. Là, je vais avoir du mal à la suivre puisqu'elle est supposée me suivre moi. Il convient donc que je la suive en la précédant uniquement. La technique est d'autant plus risquée que, théoriquement, elle doit se cacher afin que je ne sache pas qu'elle me suit. Ce sera le grand défi du jour. » Qui surveille qui ? Le réel existe-t-il vraiment ?

Ce roman peut être aussi un questionnement sur le sens à donner à sa vie. Est-on toujours manipulé ? Qui manipule qui ? Où se situe la réalité ? Est-elle dans ce que l’on voit ou dans ce que l’on imagine ?

Paul Fournel manie l’absurde et l’humour et l’on se retrouve dans un univers à la Beckett où Kévin Prou pourrait aussi bien attendre Godot !

Brigitte Aubonnet 
(09/03/22)    



Retour
Sommaire
Lectures



Éditions P.O.L.

(Mars 2022)
160 pages - 16 €




Visiter le site de

Paul Fournel



Vous pouvez lire
sur notre site
un entretien
avec Paul Fournel


et
des articles concernant
certains de ses livres :

A la ville comme
à la campagne


Méli-Vélo

Chamboula

Courbatures

La liseuse

Anquetil tout seul

Jason Murphy

Humeurs badines

Le Bel Appétit

Le Lagarde et Panard

Avant le polar

Faire Guignol

Jeune-Vieille