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Francesco FIORETTI


Raphaël
La vérité perdue


En 1520, le peintre Raphaël meurt à Rome à l’âge de 37 ans. Mort naturelle ? Épuisement ? Empoisonnement ? Son ami, le poète Pierre l’Arétin, penche pour la thèse de l’assassinat et décide de mener une enquête. Mais qui aurait voulu la mort du peintre et pourquoi ?

La première partie du roman, soixante-dix pages environ, nous montre Raphaël au sommet de sa gloire vivant dans un palais, croulant sous les commandes, travaillant pour le Pape, à la tête d’un atelier réputé… Une véritable star et ses funérailles, d’ailleurs, seront grandioses…

En 1516, Léonard de Vinci et Michel Ange ont quitté Rome et le pape, Jean de Médicis devenu Léon X, a confié à Raphaël tous les travaux les plus importants : le chantier de Saint-Pierre, la carte des antiquités de Rome, les chambres du Vatican…
Établir la carte des antiquités de Rome est une tâche aussi prestigieuse que dangereuse.  La volonté du pape était de récupérer pour l’édification de la basilique Saint-Pierre « tous les matériaux de rebut dans les ruines antiques, mais il fallait le faire en préservant les statues, les marbres précieux, et lui, Raphaël, était l'expert au jugement duquel, par décret du pape et quelle que soit la personne qui les retrouve, il fallait soumettre les nouvelles trouvailles. »
Mais l’application de ce décret est délicate. « La plupart des trésors enfouis de Rome se trouvaient dans les vastes zones fermées et fortifiées appartenant à de puissantes familles romaines comme les Colonna et les Orsini, et celui qui les défiait risquait de finir jeté dans le Tibre. » Raphaël devait faire preuve de souplesse et de diplomatie.

Dans cette première partie, on voit aussi la vie personnelle du peintre, avec Margherita, sa compagne discrète et secrète, et Magia, « leur fille nécessairement illégitime puisque Raphaël était contraint de se cacher pour ne pas heurter la sensibilité du cardinal Bibbiena qui voulait lui donner sa nièce pour épouse, ou celle du pape, qui voulait le faire cardinal. »

Entre la jalousie des concurrents, la colère des puissants dont il ne peut honorer les commandes (faute de temps ou parce que le sujet ne l’intéresse pas), la colère de ceux à qui on voudrait prendre leurs antiquités, et les rivalités entre les grandes familles, les candidats à l’empoisonnement de Raphaël ne manquent pas.

Au lendemain de sa mort, Pierre l’Arétin décide de faire la lumière sur les conditions de cette mort étrange, d’autant plus qu’après le banquet de la fête de Vénus, deux autres convives très proches du peintre décèdent dans les mêmes souffrances, le banquier Agostini Chigi et le cardinal Rangone.

Pierre l’Arétin, poète reconnu et réputé pour ses piques assassines, aurait dû assister aussi à ce banquet mais on l’a informé qu’il n’était pas invité. Le poète est pourtant le meilleur ami de Raphaël. « L'Arétin avait une dizaine d'années de moins que Raphaël et il était à Rome depuis peu de temps, mais ils étaient tout de suite devenus amis, si bien que le peintre lui montrait toujours ses œuvres en priorité, et en échange de quelques précieuses suggestions sur des sujets picturaux d'inspiration historique pour les salles des appartements papaux, il avait réalisé – et lui avait donné – un double portrait les représentant. » C’est cet « autoportrait avec un ami » peint en 1515 qui est reproduit en couverture du livre, Raphaël à gauche, derrière le poète.

L’enquête de l’Arétin permet à l’auteur de revenir sur la vie de Raphaël, son parcours et son travail, avec la description de nombreuses œuvres et leur sens à une époque où la rigueur des luthériens s’oppose à l’esprit d’ouverture de la papauté. Les papes de la famille Médicis donnent une grande importance à la mise en scène artistique de la religion. Luther, lui, est scandalisé par le commerce des indulgences instauré par les papes Jules II et Léon X pour financer la construction de la basilique Saint-Pierre. La religion et la politique sont intimement liées dans une Europe déchirée entre Charles Quint et François 1er et une Italie morcelée entre les grandes familles qui se disputent les territoires et la tête de l’église.

Francesco Fioretti, grâce à une connaissance approfondie de la Renaissance et à une écriture fluide et claire, nous immerge avec talent dans ce début de 16e siècle italien sur les traces de l’Arétin dont l’enquête met à jour tous les aspects de l'œuvre et de la vie de Raphaël y compris les plus secrets (par exemple ses dessins érotiques) qui auraient pu expliquer son assassinat. Le résultat est à la fois un roman très agréable à lire et un document artistique et historique passionnant dans la suite logique de ceux qu’il a déjà rédigés sur Dante, le Caravage et Léonard de Vinci.

Serge Cabrol 
(14/02/22)    



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Hervé Chopin

(Février 2022)
288 pages - 22 €






Traduit de l'italien par
Chantal Moiroud










Francesco Fioretti,
originaire de Sicile, est professeur de littérature italienne. Après Le livre secret de Dante, Dans le miroir du Caravage et Le livre perdu de Léonard de Vinci, Raphaël est son quatrième roman chez
le même éditeur.