Vincent Martin s’enfuit d’une clinique psychiatrique. Il prend le train pour Port-en-Goel, sa ville d’enfance, mais à Compiègne il doit changer de train. En attendant, il se retrouve dans un café. Une jeune femme, au chapeau rouge, qui était déjà venue le voir dans sa chambre lors de son hospitalisation, le rejoint à la gare et prend le même train que lui. Elle est suivie par un certain Éric Baraduc, qui poursuit Virginie pour tenter de récupérer des dossiers compromettants concernant la société de son ex-mari, directeur d’un cabinet d’avocats et ami du patron de l’entreprise où travaillait Vincent. Virginie, avocat d’office, défend Vincent accusé d’une tentative de meurtre sur son supérieur hiérarchique, Mourier, qui l’obsède toujours, l’empêche de dormir et hante ses pensées. Il n’était pas seul à être harcelé : « Le scénario de Mourier était répétitif. Harceler pour des broutilles jusqu'à ce que l'autre soit à sa merci. Pour Naudin et moi, il avait eu une seule consigne : nous virer. Ça, je m'en souvenais. Comme je n'avais pas oublié les messages incendiaires, les réflexions à tout propos sur mon costume, mon absence de cravate, et sur tout dossier qu'il devait superviser et qu'il me renvoyait systématiquement. Lorsqu'il venait me hanter, je passais mon temps à me justifier, à lui prouver qu'il avait tort. »

Vincent Martin ne se souvient pas de ce qui s’est passé avec Mourier. Il a des trous de mémoire importants. Un pan de sa vie, après l’événement qui a bouleversé son parcours, a disparu de ses souvenirs. Avec l’aide d’Ariane, la sœur de Virginie, psychothérapeute, lors de séances d’hypnose, il tente de se remémorer ce qui lui manque :
« Je lui avais déballé mon histoire, elle avait l'air ravi. Elle a dit, comme l'avait fait Folamour :
– L'oubli n'est pas l'effacement.
J'avais lu que la mémoire c'était la vie. J'ai proposé :
– L'effacement, c'est quand on est mort. »
« J'ai fait un effort mental pour revenir à Port-en-Goel. Je me suis dit, les bateaux, la mer, la maison. C'était comme dans la légende où, à l'instant de sa mort, on revoit les moments de sa vie. Je nageais dans l'autre sens. Je repartais du départ, du temps oublié, tel un chalutier attaquant l'écume.
C'était quoi la mémoire ? Recréer un monde qui n'a jamais existé à partir des morceaux d'un monde qui a existé ? Chez moi tout était en vrac. Les époques se mélangeaient, les morts et les vivants mangeaient ensemble. »
Vincent Martin se retrouve devant un comité médical avec des psychiatres qui doivent évaluer son état mental.

Ce  roman, très bien écrit et construit, montre différentes étapes dans le processus  du harcèlement, la manière dont il est traité dans le monde du travail et les suites que cela peut engendrer chez une personne harcelée.

Brigitte Aubonnet 
(30/03/22)