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Arnaud DUDEK


Le cœur arrière

« Victor n’a souri qu’une fois en vingt et un jours, lors de la séance de balnéothérapie. L’hydrothérapeute, soixante ans, voix douce et regard bleu. L'eau très chaude, mais pas trop.
– Comment vous sentez-vous ?
La question lui avait fait venir des larmes. Elle appelait une réponse sincère :
– J'ai mal.
– Où ça ?
Victor avait désigné son cœur, et avait ajouté :
– Derrière.
– Sous le cœur ?
– Oui. Pas le cœur qui bat, l'autre, derrière, celui qui se serre quand on perd. »

Victor, alors qu'il a toujours vécu seul avec son père, un ouvrier cabossé par la vie, mais tendre, aimant, va vivre dans une grande école privée d’athlétisme parce qu'il a été remarqué dans son club, qu'il est doué pour le saut en longueur. Victor n'a jamais vraiment eu de mère, trop immature pour s'embarrasser d'un mari et encore plus d'un enfant. Elle se rappelle de temps en temps à lui pour mieux l'oublier après et le laisser encore plus dans l'espérance vaine d’avoir un jour l’amour de sa maman. Victor est donc fragile côté sentiment maternel et naïf aussi côté paternel.
C'est après avoir vu dans un parc un athlète s'entraîner, puis un autre athlète à la télé qu'il a eu le déclic. « Certaines rencontres sont des coups de volant donnés par le hasard, elles font changer de voie brusquement, on roulait tranquillement vers une vie d'employé de mairie ou de contrôleur des impôts, 1,8 enfant, maison mitoyenne […] un écart, un autre chemin, une direction nouvelle, un vent nouveau […] déjà les rêves de Victor avaient gagné en intensité. »
Après des débuts enchanteurs, l'entraînement intensif à la Team Eleven va tourner au cauchemar.

J'aime les romans d'Arnaud Dudek. Je l'ai déjà dit et celui-ci ne fera pas exception. L'écriture, comme pour les autres, y est légère et douloureuse comme un air d'orgue de barbarie, elle vous moud tendrement le cœur. Les personnages sont campés en quelques mots d'une telle justesse qu'ils paraissent réels, on les connaît, en vrai !
Et quelle finesse de démonstration que la narration de l'expérience de Victor pour dire tout ce que les sportifs de haut niveau peuvent subir mais pas seulement, et c'est ce qui rend précieux les romans de cet auteur, car quel que soit leur sujet, on reçoit, pour soi, certains passages, même si on est loin, ici, d’être un champion !
« Victor ignore par quels états, par quels tourments il va passer. Il est jeune, doué, déterminé mais relativement naïf, il pense que sa bonne étoile ne peut pas pâlir, mais voilà, elle est tellement complexe, la vie, tout à la fois plume d’oiseau et instrument de torture, couette en duvet d’oie et bombe à fragmentation, cœur gravé sur un tronc de hêtre et feu de forêt criminel, abécédaire poétique et discours négationniste, confiture fraise-litchi et… » et etc., etc., mais comme ça fait du bien de lire ça !

Sylvie Lansade 
(29/08/22)    



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Arnaud DUDEK, Le cœur arrière
Les Avrils

(Août 2022)
224 pages - 19 €







Arnaud Dudek

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