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Dima ABDALLAH

Bleu nuit


Nous sommes le 21 mars 2013 : après avoir vécu des années isolé, après s’être peu à peu exclu de la vie, après avoir coupé un à un tous les liens qui le reliaient au monde extérieur, un homme sort de chez lui.
Le narrateur de Bleu nuit a 50 ans lorsqu’il apprend la mort d’Alma, la femme qu’il a aimée des années auparavant. Sursaut tardif de vie ou désir de retrouver celle qui repose à présent au Père-Lachaise, l’homme jette la clé de l’appartement dans lequel il s’était emmuré vivant pour rejoindre la rue : « Je marchais et je passai un contrat avec la rue. Elle me ferait redevenir un être humain, elle me ferait oublier ce qu’il y avait à oublier, et moi, en échange, je promettais d’y rester le temps qu’il faudrait. »
Mais que cherche à oublier cet homme qui va, pour un temps, devenir le gardien de tous les écorchés de la vie qu’il croise et observe jour après jour dans un petit périmètre du 20earrondissement ? Le lundi, c’est Emma qu’il veille, une femme anorexique qu’il aimerait tant voir manger le croissant qu’elle trouve parfois le courage d’acheter : « Emma n’est pas maigre. Emma est un Giacometti. Son corps est un souvenir. » Il y a aussi Ella, l’adolescente complexée ; Carla, la caissière à qui la vie n’a pas offert beaucoup de plaisir ; Martha, qui ne sort que pour se rendre sur une tombe au cimetière ; Aimée, la femme sans abri qui expose sa misère sur la place Gambetta. Et puis il y a Layla et son parfum, « savant mélange de crème hydratante, d’iode et de jasmin »… Layla qui ressemble tellement à une autre…

C’est au terme d’une véritable odyssée qui ne dépasse pourtant pas les limites d’un arrondissement parisien que le narrateur, accompagné de sa fidèle chienne Minuit, refera le chemin vers son enfance, vers le pays qui l’a vu naître et où la mort s’est introduite en lui pour toujours.
Roman du trauma donc, roman aussi des hommes et des femmes que la société laisse sur le carreau et qui semblent sans cesse marcher sur le fil, véritables funambules entre souffrance et pulsion de vie. L’écriture de Dima Abdallah arrive parfaitement à retranscrire la poésie de ces laissés-pour-compte, la tendresse et la beauté qu’ils offrent au monde qui les a pourtant meurtris.

On ne sort pas indemne de ce livre sombre et entêtant où le parfum du Liban se mêle aux effluves de l’Est parisien, où douleur et douceur sont les deux faces d’une même médaille, où faire son deuil peut devenir le combat d’une vie.

Amandine Farges 
(09/03/22)    



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Sabine Wespeiser

(Janvier 2022)
232 pages - 20 €

Version numérique
14,99 €





Dima Abdallah,
née au Liban en 1977,
vit à Paris depuis 1989.
Bleu nuit est son
deuxième roman.




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son premier roman :
Mauvaises herbes