Le 'héros' de l’histoire, Ric-Ric, est un personnage rustre et mal dégrossi, grand amateur de vincaud (breuvage local composé de vin et d'herbes). Fuyant la police, Il se présente comme anarchiste et se réfugie dans une auberge isolée des Pyrénées catalanes dont le tenancier Cassian et les contrebandiers qui fréquentent le lieu vont le soumettre aux travaux les plus ingrats et le condamner à vivre dans une grotte. Alors qu'il se retrouve un jour dans un village de la vallée, Ric-Ric rencontre la belle Mailis dont il tombe follement amoureux.

De retour dans sa grotte, ivre de vincaud et d'amour il va par hasard faire sortir de l'état végétal un nombre incalculable de champignons géants : monstres difformes avec des pieds et des bras multiples et une langue noire de plusieurs mètres... Ainsi vont naître les 'Fungus' et commencer cette fabuleuse histoire où l'on retrouvera Ric-Ric à la tête de cette troupe fongique se comportant comme un roi tout en déclamant de manière grotesque les principes de l'Idéal anarchiste. Nous assistons à des scènes désopilantes comme par exemple celle où Ric-Ric organise l'enlèvement de Mailís accompagné de quelques Fungus et demande une rançon à son père : "Autre chose : je suis tellement indulgent que je ne brûlerai pas l'église. Seulement à partir de dimanche, à la messe, on ne lira plus la Bible, mais des fragments choisis de Bakounine, dont les fidèles débattront en assemblée collective."

Mais, ce personnage extravagant à la tête d'une troupe de monstres ne va pas laisser indifférentes les autorités. Après que quelques agents de la Guardia Civil auront été anéantis par les Fungus, c'est l'armée espagnole, puis l'armée française qui vont entrer en scène et nous allons assister à des batailles épiques. Avec malice, l'auteur donne des patronymes truculents aux généraux de ces armées. Antonio Ordóñez, le commandant de l'armée espagnole avec sa coiffure impeccable, fait immanquablement penser au célèbre torero espagnol du même nom. Quant au général de l'armée française, Auguste Féraud-d'Hubert (allusion aux personnages des Duellistes), il en dresse un portrait jouissif : "Il était né à Montluçon, en plein centre géographique de la France, et cela devait forger le caractère, car le patriote qu'il portait en lui émergea immédiatement. A l'école, les enfants apprenaient que les couleurs bleu, blanc et rouge du drapeau signifiaient Liberté, Égalité et Fraternité. Pour Auguste, c'était l'inverse : quand le professeur lui demandait ce que signifiaient pour lui la Fraternité, l'Égalité et la Liberté, Auguste répondait : bleu blanc et rouge. Une personne telle que lui devait donc nécessairement finir dans l'armée."

Chapitre après chapitre, l'auteur fait entrer en scène des personnages tous aussi singuliers les uns que les autres et, avec ces Fungus, il se révèle un véritable anthropologue de l'âme humaine.

N'oublions pas les remarquables illustrations de Quim Hereu qui a passé toute la durée du confinement reclus dans les Pyrénées catalanes.

Yves Dutier 
(17/05/21)