Lou Bishoff, la cinquantaine passée, est chauffeur de taxi dans la petite ville de Gentry, Mississippi.

Il n’a pas pu faire mieux professionnellement, et ses rêves n’ont jamais pu perdurer, bien qu’à une certaine époque de sa vie, il ait enseigné l’anglais dans une université. Oui, il admirait Shakespeare, mais il n’avait jamais réussi à communiquer cette passion à ses élèves.

« Je suis un oiseau rare, un bouddhiste du Mississippi », disait-il, mais ça, c’était avant, une utopie…

Il avait bien fallu gagner sa vie et il s’est retrouvé, faute de mieux, travaillant pour la société de taxis « All Saints ». 

La patronne, Stella, la soixantaine, pour rentabiliser au maximum son entreprise fait travailler ses employés jour et nuit, des horaires pas possibles allant jusqu’à 70 heures par semaine… La voiture de Lou, sa Town Car, une vieille Lincoln dont le plancher « râcle le bitume », lui est fournie par Stella avec la licence et l’assurance, mais le carburant est à sa charge. Il ne récolte, d’autre part, que la moitié de la recette effectuée. 

Dans ce contexte, il doit multiplier ses transports, dans des conditions qui frôlent parfois le burlesque. Un véritable enfer qui l’oblige, pour tenir, à boire du matin au soir du Red Bull, cette boisson énergisante à base de taurine…

Condamné donc à transporter toutes sortes de passagers sur ordre de Stella : « des retraités accros aux opioïdes, des junkies à la recherche de leur dose, des ex-taulards en goguette, des racistes de tous poils », en somme des « cassos » comme il dit…

Au fil de ce roman, vraiment ahurissant, nous apparaît une vision insoupçonnée de cette Amérique profonde dont l’existence, socialement, semble désespérée pour se maintenir à flot, loin de tous les clichés habituels que nous connaissons.

Lee Durkee nous entraîne dans son trip mississippien et nous avons du mal à en sortir, tant ses personnages suscitent l’intérêt et l’empathie, mais aussi le respect.

Un petit bijou d’humour noir, ironique et grinçant, mais aussi une vision réaliste de cette Amérique qui n’est pas sur le devant de la scène et dont on évite de parler.

Une lecture indispensable qui nous invite à aller au-delà des apparences et à relativiser.

Nicole Martin-Caïdos 
(25/08/21)