Si le thème est attirant lorsqu’il s’agit d’une fiction prometteuse, il est glaçant lorsqu’il se réfère à la réalité.
Là où le cinéma démonte les ressorts aussi implacables qu’évidents du serial killer, la réalité du tueur en série abasourdit, laisse sans voix, totalement perplexe.

Dans ces conditions, comment et pourquoi aborder ce livre ?
En suivant le cheminement que nous proposent Jean-Benoît Dumonteix et Joseph Agostini, tous deux psychologues cliniciens et psychanalystes.
Ils ont tenté de comprendre l’incompréhensible, l’inimaginable, l’inhumain.
D’autant que la plupart des tueurs en série, ces monstres capables de la bestialité la plus sauvage, ont un abord qui ne laisse pas deviner leur tragique noirceur, leur absolue cruauté, leur sanguinaire abomination.

Les auteurs ont choisi de se livrer à l’exploration de Michel Fourniret, Marcel Petiot, Guy Georges, et Thierry Paulin, quatre tueurs en série largement médiatisés.
Ces quatre « personnalités » n’ont en commun que l’horreur qu’elles ont engendrée. Leur passé, leur itinéraire, leurs motivations, leurs mécanismes psychologiques, leurs capacités cognitives diffèrent.
Cette divergence exclut les explications simplistes, les conclusions hâtives.

À l’occasion de cet ouvrage, les auteurs ont effectué un minutieux travail de recherche d’ordre psychologique bien sûr, mais aussi historique et juridique.
L’éclairage qui s’en suit est novateur. Les notions essentielles sont posées, explicitées. Le tronc commun de leur pathologie, à savoir la perversion est dûment analysé, décortiqué. La complexité du mental est mise en lumière de façon souvent bluffante pour les lecteurs que nous sommes.

Mais allons encore plus loin...
La devise des éditions Envolume qui proposent cet ouvrage dans la collection Sur le divan est Des auteurs pour des lecteurs.
De quels lecteurs s’agit-il ?
Comment les auteurs s’adressent-ils à eux ?
Que leur apportent-ils vraiment ?

L’étude a été faite avec une grande exigence, le contenu reflète ce critère. Il réclame de la vigilance - le sujet est complexe - mais il s’adresse à tout un chacun. Les auteurs ne perdent jamais de vue leur lectorat. Leur expression est à la fois rigoureuse et accessible. Ils usent de précision, pas de jargon.
Ils opposent l’élégance de leur écriture à l’ignominie de leur sujet. Ils sont factuels, sobres, pudiques et sans complaisance.

Le lecteur, je peux en témoigner, termine ce livre en ayant le sentiment d’être plus savant après qu’avant, ce qui est enrichissant et flatteur, avouons-le !

Mais ce petit moment de fierté passé, le dernier chapitre entraîne notre curiosité sur un terrain que nous n’avions pas forcément pressenti : Et si les tueurs en série révélaient, toute proportion gardée, quelque chose du malaise de notre société ?
Une théorie, que nos deux psychanalystes avancent sans extravagance, endossant ainsi pleinement le rôle salutaire (à la formulation peu académique) d’agitateurs de neurones.

Catherine Arvel 
(29/07/21)