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Ce nouveau roman de Victor Del Arbol est, lui aussi, assez « terrible ». L’histoire racontée par Isaïe, personnage principal est poignante, douloureuse et violente. Mais l’auteur dont le talent n’est plus à démontrer a su produire les pages qui retiennent notre attention et notre intérêt. Son écriture va encore une fois susciter les frissons, puisqu’au cours de la narration d’événements plus que dramatiques et de leurs nombreux rebondissements, elle nous laissera entrevoir cette humanité qui perce malgré les désespoirs et les drames vécus. Il s’agira pour certains personnages de « s’adapter » au mal, à la guerre, et même à la cruauté, car il n’y a pas d’échappatoire possible, à part la mort. Face à des idéologies qui « embarquent tout esprit critique » et rendent inopérantes les moindres résistances. C’est en 2016 qu’un ancien camarade, ayant des fonctions dans le gouvernement, vient lui demander de participer à une conférence sur la réconciliation nationale. On apprend donc qu’Isaïe le « Noir aux bicyclettes », a pu s’établir à Barcelone où avec son petit atelier de réparation, il essaie d’oublier les horreurs vécues et aspire à une vie « ordinaire » avec Lucia sa compagne. Bien que ne voulant plus retourner en Ouganda, il finit par se laisser convaincre et part avec Lucia qui, bien qu’enceinte, tient à l’accompagner. La construction du roman va ainsi se situer sur les deux périodes, d’une part, le passé avec ces « années terribles » de la jeunesse du jeune Isaïe et d’autre part son retour, des années plus tard, à Kampala où les évènements vont être à nouveau dépendants des mouvements politiques, de la religion ou des croyances, pour sans doute tenter de justifier violence et crimes. « Avant les années terribles j’étais un enfant heureux […] Le bonheur semblait être un état normal, aussi évident que le soleil qui se levait chaque matin ». Et donc à ces chapitres datés à partir de 1992 – la date est chaque fois précisée – vont succéder en alternance, ceux concernant le retour d’Isaïe adulte en Ouganda qui va susciter à nouveau des remous. Sa participation sollicitée à ce congrès ne sera pas sans effet puisqu’il sera le moteur d’un piège tendu avec le kidnapping de sa compagne. Ainsi il va être à nouveau confronté à la violence et à la cruauté. Les passions ne sont pas loin qui suintent encore, la guerre a laissé des traces brutales, le mal a fait des ravages partout et le passé est encore très lourd ! C’est du moins ce que l’on retient de ce récit difficile, qu’il soit vécu par des enfants entraînés à tuer, ou par ce personnage devenu adulte et de nouveau face à cette même insupportable cruauté. Le talent de Victor Del Arbol transperce ces pages. Et même si ce n’est pas le suspense qui dirige notre envie de poursuivre ce récit, il est cependant constant et prenant, et alimenté par des épisodes de « respiration » qui peuvent laisser la place à la réflexion. Et que dire du plaisir retrouvé, et nécessaire, de lire cette écriture : « Le paysage se dévoilait : des couleurs orangées qui flamboyaient, des bleus qui grimpaient aux arbres jusqu’à la cime, des violets qui dessinaient la courbe de l’horizon. Très lentement, avec une langueur presque érotique, le soleil soulevait les ombres pour nous offrir la présentation éphémère de l’état du monde à son origine. » Et puis l’auteur, dans ce qu’il nomme « un épilogue possible », nous livre alors avec une certaine simplicité ce qui a été à l’origine de ce roman, et de l’intérêt suscité par son personnage principal. Anne-Marie Boisson (21/09/21) |
Sommaire Lectures Actes Sud (Septembre 2021) 400 pages - 24 € Version numérique 16,99 € Traduit de l'espagnol par Claude BLETON
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