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Richard RUSSO


Retour à Martha’s Vineyard


Deux époques se mêlent et s’entrechoquent dans ce roman projetant les trois héros dans leurs souvenirs. Liés par une solide amitié à l’image des trois mousquetaires, ils ont adopté leur devise « un pour tous, tous pour un ».
En 1969, alors qu’ils sont étudiants, leur destin se joue lors du tirage au sort qui détermine l’ordre d’appel des conscrits à la guerre du Vietnam.
Une fois diplômés, deux ans plus tard, ils passent leur dernier week-end ensemble dans la maison de vacances de Lincoln en compagnie de Jacy, la quatrième mousquetaire, dont ils sont tous les trois follement amoureux.
En 2015, fin de la présidence Obama, les trois amis se retrouvent dans la même maison. Les hommes ont vieilli, ont fondé ou pas une famille, ont oublié leurs idéaux ou leur sont restés fidèles. Seule Jacy, mystérieusement disparue après le week-end de fin d’études, n’a pas vieilli dans leurs souvenirs. Elle est présente dans les esprits des trois amis qui rouvrent l’enquête quarante-quatre ans plus tard.

Dans ce long roman aux allures de thriller, les personnages prennent de l’épaisseur au fil du récit. Derrière leur apparente jovialité, on devine leur fragilité, on découvre le talon d’Achille qui va conditionner leur choix de vie. D’ailleurs cette question du libre arbitre est l’un des thèmes centraux du roman ; la loterie de la conscription en est l’épisode emblématique, elle va modifier le destin de Mickey, celui qui doit partir le premier. C’est encore de libre arbitre qu’il s’agit à propos de la manière dont les fils sont façonnés par leur père, par l’hérédité ou par opposition, par leur absence ou leur présence attentionnée, par les promesses, la parole donnée.
Dans l’université huppée de Minerva, nos trois étudiants boursiers issus de milieu modeste n’ont pas le même statut que les fils et filles des riches de la côte Est. La ségrégation sociale est manifeste mais cela n’empêche pas Jacy d’apprécier leur compagnie.

Chacun des mousquetaires incarne un univers : Mickey, le rockeur, les concerts mythiques de Jimi Hendrix, le groupe Creedence*, l’immense mouvement populaire qui condamne la guerre du Vietnam, la drogue et l’alcool qui font des ravages dans une génération de désespérés ; Teddy, l’université d’études religieuses et l’édition ; Lincoln, «  le beau gosse » devenu agent immobilier et père de famille ; Jacy, issue d’un milieu favorisé, restera secrète jusqu’à la révélation finale.

L’amitié et la confiance qui relie les trois amis résistera-t-elle à cette nouvelle enquête, aux allusions perfides de Joe Coffin, le flic à la retraite chargé à l’époque du dossier ?

Le style de ce roman, et sa traduction française, font penser à des dialogues à la Audiard.
 « Nonobstant son mauvais état de santé manifeste, il pourrait encore faire bonne figure dans une bagarre de bar, à condition qu’elle ne dure pas plus d’un round. […]
– Vous aimez les animaux ?
– Comme la plupart des flics, je les préfère aux gens. Encore jamais connu un qui mentait. »

* dont la chanson « Fortunate son » dénonce la guerre du Vietnam et le favoritisme au sein de l’armée pour les « fils de »

Nadine Dutier 
(30/12/20)    



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Lectures








Quai Voltaire

(Août 2020)
384 pages - 24 €

Version numérique
16,99 €


Traduction de l'anglais :
Jean Esch







Richard Russo,
né en 1949 aux États-Unis, auteur d'une quinzaine de livres, a obtenu le prix Pulitzer
et le Grand prix de littérature américaine.


Bio-bibliographie sur
Wikipédia





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