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Frédéric PRUNIER

Le vieillard de Téos


qu’importe le ciel
bleu, noir ou comme du feu,
vide ou éternel

ni après ni avant
juste maintenant

ici et maintenant
nous sommes vivants

                        Frédéric Prunier

 

            Dans sa préface, l’auteur explique : « Le vieillard de Téos est Anacréon (vers 550-465 avant JC), le plus ancien poète lyrique de la Grèce antique dont le nom est parvenu jusqu’à nous. […] La poésie d’Anacréon n’a jamais cessé d’être traduite, adaptée, imitée, et il est quasi-impossible de démêler ce que le poète à réellement écrit de tous les textes apocryphes. » Ainsi font Ronsard ou Leconte de Lisle, adapter à leur temps les vers anciens. Sur leurs pas, Frédéric Prunier qui ne connaît pas le grec ancien se propose d’actualiser avec sa propre respiration des poèmes d’Anacréon.

je m’en irai courir
la danse insolente de liberté
puisqu’il n’y a pas de limite au vent du rêve

à la ronde cette féerie
le sabbat des sorcières, défilantes étoiles
vers d’impossibles voyages que cette nuit tolère
puisqu’il n’y a pas de limite au vent du rêve

mon songe est un vieillard à la jeunesse éphémère
un grand éclat de rire à la mort qui murmure

puisqu’il n’y a pas de limite au vent du rêve

            Ou encore :

… ainsi je voyageais
réchauffant mes vieux os
aux astres du chaos

la tête à l’envers, visiteur du bonheur, de l’enfer
vide d’apesanteur

l’amour est une étrange douleur

            Débarrassés de la majeure partie de la ponctuation, ce sont des sentiments pris au vol d’aujourd’hui que nous présente Anacréon Prunier. Débarrassés du Panthéon, de la rime suivie ou croisée, ce sont des poèmes qui ne connaissent qu’Eros, même en âge avancé, même si un peu branlant, c’est pour flirter avec de plus jeunes. Comment, devant le spectacle du monde actuel, qui avec une différence d’échelle ressemble à tous les mondes d’hier, ne pas adhérer spontanément à ces mots :

J’entends les tueries
les fresques de sauvageries
aux frontons des palais

tous ces cris de mourir
perdus dans l’écho des montagnes
en souvenir

et sur les murs des grands immeubles
dans l’enchevêtrement des poubelles
des graffitis d’artistes
aux énormes pinceaux tristes

j’entends les tueries
toujours
des fresques de sauvageries

            Moi je rêve d’érotisme !
à montrer aux enfants
pour leur graver le cœur
d’images du bonheur

            Une dizaine d’illustrations de Céline Excoffon, sortes de planches d’un Buffon qui serait devenu surréaliste, accompagnent les poèmes, au nombre d’une soixantaine, du triomphe éternel d’Eros sur Thanatos.
           

Michel Lansade 
(20/07/20)    



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Poésie








La Bartavelle
100 p. – 20 €


illustrations de
Céline Excoffon