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Mauricio ELECTORAT

Petits cimetières sous la lune



Les quatrièmes de couverture évoquent l’intrigue, les personnages, mais rarement les couleurs du livre, sa lumière, l’ambiance qu’il dégage. Les couleurs de ce récit s’opposent radicalement ; à Paris c’est la vie nocturne de ceux qui travaillent la nuit par nécessité ; la tristesse d’une chambre qui donne sur un cimetière de banlieue. En contrepoint, le ciel bleu éclatant, insolent du Chili.
Un récit qui entremêle les lieux et les temporalités. Mauricio Electorat a l’œil d’un cinéaste : les mobiliers, les habitations, les paysages prennent la consistance de décors de cinéma.

Venons-en au cadre qui porte cet exercice littéraire.
Emilio quitte le Chili de Pinochet et sa famille à l’idéologie douteuse pour faire des études de linguistique à Paris. Grâce à un compatriote exilé, Alfredo, il trouve un emploi de veilleur de nuit dans un hôtel qui lui permet de survivre mais aussi de lire et de rencontrer des personnes qui lui font découvrir des écrivains, des poètes, tel que Sadegh Hedayat, grand poète iranien du XXème siècle, qui est d’ailleurs enterré au Père Lachaise. Grand amateur de poésie et de littérature européenne et sud-américaine, Emilio dévore les livres. Le titre de l’ouvrage, référence explicite à Bernanos pour Les grands cimetières sous la lune, donne aussi un avant goût de la radicalité d’Emilio vis-à-vis de la dictature de Pinochet. « Le livre de Bernanos : critique sans appel de la société bourgeoise et de ses compromissions plus ou moins secrètes avec les fascismes en plein essor dans les années 30, condamnation de la mollesse des hommes politiques français face à l’attaque de Franco contre la république espagnole… »

Il fait la connaissance de Chloé, serveuse dans un dancing où des couples vieillissants dansent sur des succès rétro – comme si le temps s’était arrêté. Le quartier Montparnasse et les artistes qui y ont vécu habitent ce roman autant que les personnages vivants. Clin d’œil à Balzac, tous les noms de rue, d’hôtel ou de cimetière sont réels à la manière d’Une traversée de Paris d’Éric Hazan (Seuil, 2016).
Emilio – tantôt narrateur, tantôt personnage principal décrit par un narrateur en voix off – semble se laisser balloter par les événements sans jamais prendre d’initiative. Cinéaste imaginaire, il voit sa vie défiler comme un film.

Avec la fin de la dictature chilienne et poussé par certains événements familiaux, Emilio retrouve sa famille au Chili. Son petit frère est devenu un adulte, son père a quitté sa mère pour vivre avec une vamp 30 ans plus jeune que lui et sa mère sombre dans l’alcoolisme. Mais la Justice rattrape son père suite à des plaintes des victimes des tortures qui ont été commises dans le sous-sol du garage de l’entreprise familiale. Emilio enquête et la noirceur de ces années Pinochet nous explose au visage. Ce sont les insoutenables scènes de torture, la négation des droits les plus élémentaires. Mais en quoi son père est-il responsable, de quoi était-il au courant ? Il tente de le savoir et son enquête va le mener plus loin qu’il ne pouvait imaginer.

Nadine Dutier 
(29/10/20)    



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Métailié

(Octobre 2020)
272 pages - 21 €

Version numérique
12,99 €








Mauricio Electorat,
né au Chili en 1960, professeur d’université, journaliste et traducteur,
est poète, nouvelliste
et romancier.