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Daniel LANCE


Le prix qu’ils paieront


François Gubernatori mène une existence plutôt mouvementée. Directeur d’un centre qui reçoit des adolescents en rupture (les « décrocheurs » comme on dit aujourd’hui), il a des journées bien remplies avec beaucoup de surprises. Difficile de prévoir ce qui peut se passer entre ces personnalités à fleur de peau. Parallèlement à cette activité très prenante, François est tombé amoureux d’une jeune femme de vingt ans de moins qui ne sait pas bien où elle en est, ce qui perturbe l’enseignant et trouble ses nuits. Et comme si tout cela ne suffisait pas, voilà qu’il tombe, dans la rubrique nécrologique de Nice-Matin, sur la photo d’un jeune homme qui retient son regard : « Joël Destini, décédé accidentellement à l'âge de vingt ans. Ni fleurs ni couronnes. Ce visage, il l'avait déjà vu, ou peut-être le nom... […] Il lui semblait bien qu'il allait encore se mêler de ce qui ne le regardait pas. Du moins, c'est ce que l'on disait régulièrement de lui. On ajoutait à cela, accessoirement, qu'il n'avait aucun sens de la hiérarchie et de l'administration. Ces avis "autorisés" le rassuraient plutôt. »

Avec Catherine, sa collègue, "professeur multi-fonction", Fatima, l’emploi-jeune, et Jean-Paul, psychologue clinicien, François gère un centre éducatif qui reçoit une dizaine de jeunes exclus du système scolaire, parfois violents, parfois endormis si leur nuit a été agitée.  Le principe est de travailler en liaison avec tous les services (Education nationale, police, justice…) pour réconcilier ces ados avec la vie et les placer en stage dans des petites entreprises afin de les familiariser avec le monde du travail.
François les initie aussi à l’Aïkido, une discipline chère à l’auteur, qu’il ne manque pas de présenter à un journaliste intéressé par ce centre atypique.
« Il se mit en devoir d'expliquer que l'Aïkido était un art martial efficace, mais non violent, que l'Aïkido permettait une autre communication avec les jeunes, que toutes les filles reçues avaient été abusées et que, lors des séances, il se passait parfois des moments magiques. C'était en effet la première fois qu'elles étaient à nouveau touchées physiquement par un adulte et que ce contact était bienveillant, rassurant. Les jeunes connaissaient la bataille de rue, où, s'ils se battaient, le perdant était en sang à terre ; là, l'Aïkido permettait de diriger cette violence, la canaliser. Les jeunes se retrouvaient maîtrisés par François ou sa collègue, mais sans avoir eu mal, et surtout, sans avoir été humiliés. Là aussi, pour eux, c'était une révélation. »
Le roman donne une large place au suivi de ces jeunes dont François et Catherine rencontrent régulièrement les familles quand c’est possible.

Mais la vie de François est perturbée par sa relation avec Alex, cette jeune femme rencontrée pendant une conférence et dont il est tombé immédiatement amoureux. Seulement, Alex ressent des désirs contradictoires, ne sait pas trop si elle préfère les hommes ou les femmes, et Daniel Lance, auteur d’un essai sur le désir, analyse avec finesse cette confusion des sentiments qui rend complexe la liaison entre les deux amants.

L’autre thème fort du livre est le panier de crabes niçois où la politique et l’argent se mêlent pour le meilleur et pour le pire. François, surpris par la mort de Joël Destini à vingt ans, va mener, toujours avec l’aide de Catherine, une véritable enquête pour comprendre ce qui est arrivé au jeune homme. Sa mère a été une proche de Jacques Médecin, maire de Nice de 1966 à 1990, et n’a jamais voulu révéler à son fils l’identité de son père. Quand Joël l’a enfin découverte, la rencontre a été violente et Joël a cherché ailleurs et autrement l’amour dont il avait été privé. Pour percer tous les mystères qui entourent la mort du jeune homme, François enquête auprès de la mère de Joël, rencontre un riche architecte dont elle était aussi très proche, et cherche des informations dans les cités populaires où le garçon allait souvent traîner.

Daniel Lance entremêle tous ces thèmes qu’il connaît parfaitement (l’éducation, l’aïkido, le désir, l’histoire de Nice) pour construire un roman aussi dense que passionnant qui entraîne le lecteur et le tient en haleine jusqu’à la dernière page. C’est un premier roman prometteur, on attend maintenant le deuxième !

Serge Cabrol 
(26/06/20)    



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Lme-dia

176 pages - 15 €












Daniel Lance,

universitaire (deux doctorats), a publié plusieurs essais et enseigné, outre la littérature et la philosophie, l’Aïkido en milieu carcéral et dans des structures pour jeunes "en difficulté". Le prix qu’ils paieront
est son premier roman.



Bio-bibliographie
sur le site de l'auteur :
daniel.lance.free.fr