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Hannelore CAYRE

Richesse oblige


Cette fois-ci, Hannelore Cayre nous a concocté un roman noir à moitié historique. À moitié puisqu’une partie seulement se déroule en 1870 où nous suivons les aventures d’Auguste de Rigny. Pour l’autre partie, c’est aujourd’hui que nous accompagnons la narratrice, Blanche de Rigny, dans ses étranges découvertes. En voyant leurs noms, on imagine aisément que l’une est la descendante de l’autre. Mais ce serait trop simple ! Nous sommes dans un roman noir et les choses y sont, forcément, un peu plus compliquées…

C’est en allant voir son père sur son île bretonne que Blanche entend quelques bribes de conversation où il est question d’une jeune fille morte dans un tremblement de terre au Népal. Rien qui puisse concerner directement Blanche à part que la jeune fille s’appelle Alice de Rigny. Pas très breton comme nom. Difficile qu’il puisse s’agir d’une coïncidence. Blanche interroge sa tante sur l’origine de leur nom mais la réponse est évasive. « Ton grand-père, c'était un bâtard. Un gosse qu'une fille-mère, une Malgorn, s'était fait faire à Paris où elle était allée chercher du travail. » Dans le petit cimetière de l’île, une chapelle funéraire abrite les restes de l’arrière-grand-mère, Corentine Malgorn, 1850-1924. Et de Rigny dans tout ça ?

C’est en chapitres alternés que nous suivons les aventures et mésaventures d’Auguste de Rigny, fils d’une riche famille de Saint-Germain-en-Laye, confronté à l’angoisse de savoir s’il va échapper ou non à la conscription. On est en janvier 1870 et le service militaire dure neuf ans. Un tirage au sort détermine ceux qui vont passer une partie de leur jeunesse sous les drapeaux. Auguste n’a aucune envie d’abandonner la Sorbonne, « sa vie parisienne, ses plaisirs et ses bonnes paresses ». Manque de chance !
« — Retenu ! cria l'officier avant de lui débiter d'une voix mécanique les articles du Code. Monsieur, vu votre numéro et à moins d'être réformé, votre position est définitivement fixée comme comprise dans le contingent. Le conseil de recrutement se prononcera le 18 juillet. Vous pourrez y présenter un remplaçant que vous aurez trouvé dans tous les départements de l'Empire. M. le Maire vous indiquera les conditions exigées pour son admission ainsi que les pièces à produire. Nous comptons sur votre zèle à remplir le devoir qui vous est imposé et nous vous rappelons les malheurs que votre désobéissance attirerait sur vous ainsi que sur votre famille. »
Faute d’avoir un bon tirage, la loi autorise à payer un remplaçant, contrat signé devant un notaire, et des intermédiaires se chargent de recruter des jeunes hommes ayant besoin d’argent. « Avec la Prusse qui nous fonce dessus comme une locomotive, m’est avis que les prix vont grimper… »
Comment passe-t-on d’Auguste de Rigny à Blanche ? C’est tout l’enjeu du roman. Et la preuve qu’on peut hériter du nom sans hériter des gènes…

Blanche est un beau personnage de femme déterminée, avec un caractère bien trempé. Elle a eu les jambes broyées dans un accident de voiture quand elle était ado mais ce ne sont pas ses orthèses et ses béquilles qui vont l’empêcher de mener son enquête sur cette histoire de famille. Elle n’est pas du genre à lâcher un sujet qui l’intéresse. Internet lui a appris qu’Alice, morte au Népal, est la fille d’un député qui a magouillé des affaires bien sombres en Afrique. Voilà qui mérite qu’on se bouge un peu pour en savoir plus. Et s’il y a de l’argent à récupérer en coupant quelques branches d’un arbre généalogique pourri, elle est prête à apprendre l’élagage…

Serge Cabrol 
(18/03/20)    



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Noir & polar







Métailié Noir

(Mars 2020)
224 pages - 18 €





Hannelore Cayre,
avocate pénaliste,
a déjà publié quatre romans chez Métailié
dont Commis d'office adapté au cinéma
en 2009 et La daronne prochainement au cinéma avec Isabelle Huppert.





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