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Collectif (Les 12 lauréats du prix du Jeune Écrivain 2019) et autres nouvelles
Une sève bouillonnante circule dans le recueil La femme à refaire le monde et autres nouvelles. Et pour cause ! il s’agit d’un concours annuel international en faveur de la jeune création littéraire francophone. L’ensemble des récits présente un point commun : les jeunes talents sont pleinement concernés par la société dans laquelle ils évoluent. Ils la ressentent et l’analysent de façon très critique, n’ayant de cesse de dénoncer et d’attirer l’attention sur son incohérence, son inconséquence, ses troubles et ses périls. L’humain y est étudié, disséqué. Son comportement individuel et collectif est passé au crible. La tonalité n’est guère joyeuse. L’angoisse du lendemain est omniprésente. De noirceur, il est aussi question dans Bouphonies. Cette nouvelle surprend autant par son thème, une étonnante histoire de famille, que par son style tendu à l’extrême : le choix des mots est économe, ciblé, chirurgical. “L’air paniqué, l’oncle marmonne qu’il s’excuse, en vain. Enna pleure. Il la prend dans ses bras pour la ramener à la maison. Le petit cortège repart dans la nuit, sans plus de fracas. Les portes se referment et les lumières s’allument.” Des cabanes a également pour issue une réalité dramatique, mais les chemins qu’empruntent l’auteur pour y amener le lecteur suivent un parcours atypique : la nouvelle démarre de façon “pratico-pratique” (sic) plutôt enfantine, ludique. Un imaginaire débridé prend le relais : “Je sens les yeux de tous les Makélélés sur moi, je sens leurs cœurs qui battent la chamade dans le mien. Je représente ma tribu. Je suis une martyre. Je crois que c’est le plus beau jour de ma vie.” Ce passage bien difficile du monde de l’enfance vers le monde des adultes est également l’objet de la nouvelle Les noms d’oiseaux. Elle évoque à la manière d’une fable, en brisant quelques tabous, le passage de la vie de fillette à celle de femme. Sombres encore sont les deux nouvelles aux titres évocateurs : L’Ombre et Les Petits Êtres de l’ombre. L’une, écrite par une jeune Burundaise, dénonce la barbarie sous la forme d’un long cri poétique qui s’élève comme “une voix qui résonne encore dans le chaos. Une voix qu’on pourrait entendre, si on ferme les yeux, au-delà de tous les silences, chanter le deuil de l’humanité.” L’autre, écrite par un jeune Haïtien, évoque l’effroyable monde auquel est livrée l’enfance dans “le coin”. Un autre univers cruel, celui de la guerre d’Algérie, est mis en scène dans Le voyage. Mais les armes sont ici beaucoup moins en vue que les hommes. Tout particulièrement l’un d’entre eux que nous suivons de façon intime, livre bataille bien malgré lui. Les soldats sont des êtres humains avant d’être des belligérants. Ce récit est composé comme un conte plein d’humanité et de tendresse à la manière du film Joyeux Noël. L’humanité et la tendresse sont, au premier abord, bien présentes dans La toux, un conte oriental, mais ces vertus ne sont là que pour mettre en exergue les vices des soi-disant bien-pensants. La jeune auteure libanaise livre ici un violent réquisitoire contre les perversions religieuses quelles qu’elles soient. La science-fiction est illustrée dans le recueil par le biais de Le Magellan et de L’Écumeur. Le Magellan propose un télescopage entre le présent et le futur. L’inventivité du jeune auteur propulse le lecteur à des années lumières... d’où il a le recul nécessaire pour se livrer à quelques réflexions philosophiques : “Ça ne sert à rien d’essayer de vivre ses rêves absurdes, de vouloir la lune en oubliant de profiter de ce qu’on a...” Quant à L’Écumeur, le sujet sociétal qu’il met scène est porté par un langage mi existant, mi inventé : “Avec deux cent néos en poche, je serai tellement refait, je pourrai peut-être prendre un inter ticket pour voir ma famille en province ! Mais... Mon souvenir s’efface progressif. oh non. Non ! C’est pas vrai ! Mais quelle erreur de débutant ! Dès que l’âgé est sorti du bâtiment, la coulissante s’est lock automatique !” L’exercice de style appliqué dans Femme-feuille est lui aussi très déroutant. L’absence quasi totale de ponctuation est-elle un avantage ou un inconvénient ? Voilà une expérience de lecture à tenter ! Et Enfin, Où iraient se cacher les trésors si les épaves flottaient ? Michel Audiard a certainement influencé le jeune candidat... Et de fait, sa nouvelle est jubilatoire. “De nouvelles éclosions d’univers d’écrivains” a écrit Georges-Olivier Châteaureynaud. Voilà un vœu dont la réalisation est en bonne voie ! Catherine Arvel |
Sommaire Lectures Buchet-Chastel (Mars 2019) 352 pages - 20 € On peut lire la préface de Georges-Olivier Châteaureynaud et les trois premières nouvelles du recueil sur le site de l'éditeur. Cliquer ici. 1er Prix 4e Prix 6e Prix Les Petits Êtres de l’ombre Femme-feuille Pour plus d'informations visiter le site du Prix du Jeune Écrivain : www.pjef.net |
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