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Gaston-Paul EFFA & Isabelle LAURENT


Les parfums élémentaires




Ce récit composé à quatre mains égrène de courts textes écrits en alternance par chaque auteur où s’entremêlent leurs souvenirs. Pour Gaston-Paul Effa, ceux de son enfance au Cameroun ; pour Isabelle Laurent, dans la campagne vosgienne.

Ces textes évoquent le pouvoir qu’exercent les parfums sur nous, parfois à notre insu. La façon dont ils sculptent notre personnalité, dont ils colorent et réveillent nos souvenirs.

La vie est rythmée par les odeurs, celle du chou « cette aigreur qui prend à la gorge », celle du hareng le vendredi, celle des pages des cahiers d’écolier puis celles des livres « le parfum envoûtant des mots », « le tourbillon des phrases qui donne à l’homme l’authentique parfum de la vie ».

Les odeurs appartiennent au terroir et aux hommes qui y vivent ; l’odeur de résine, avant d’être celle des sapins est celle du père d’Isabelle, un homme des forêts. Parfois les odeurs en disent plus que les paroles ; « mon père ne me parlait pas (…) mais son odeur de suc résineux, de pluie, de feuilles mortes et de champignons m’emportait dans son monde, me nourrissait, me consolait, me régénérait (…) »

L’odeur peut être l’alliée du guérisseur ; le grand-père de Gaston-Paul détecte la maladie de ses patients par le nez « car le mal a une odeur ». Selon une croyance animiste, le parfum des arachides porte la trace des âmes errantes. « Les arachides grillées que l’on porte à la bouche, donnent non seulement à penser, à voir, mais aussi à éprouver une magie terriblement proche de nous. »

Isabelle aime l’odeur de fumier car sa grand-mère adorée gardait sur elle cette odeur après la traite. D’ailleurs « les odeurs les plus repoussantes, si on les écoute de près, peuvent exhaler les plus subtils relents. »

Le vocabulaire dédié aux odeurs est si pauvre dans notre langue que la prose poétique est autorisée à détourner le vocabulaire musical pour qualifier les odeurs. Si on « écoute le murmure des parfums, celui de la fleur de pommier chante dès qu’elle s’ouvre. En pianissimo et en forte, il se donne et se reprend au gré de l’âme qui le boit. »

De belles images poétiques tout au long de ces textes nous enchantent. Les auteurs, en quittant l’enfance vont découvrir de nouvelles odeurs et d’autres problématiques ; la crainte  de gêner les autres par notre propre odeur, la perte de l’odorat et sa reconquête, le bouleversement de l’enfantement. Quand Gaston-Paul donne un bain à sa fille, il se met à chanter une comptine en douala, comme sa mère le faisait à Yaoundé lorsqu’elle le frottait de ses mains chargées de mousse de savon de Marseille. C’est l’odeur de ce savon qui déclencha chez lui « …une  transmission cœur à cœur, bouche à bouche… », « Ce parfum convoquait deux continents, deux traditions qui, désormais, se donnaient rendez-vous dans l’eau brassée d’un bain. »

Je laisse le soin de conclure cette chronique à Gaston-Paul Effa : « …penser n’est pas une propriété de l’esprit, mais une faculté olfactive qui permet de méditer, de rêver, de dire, de lire. Cette faculté est comme un chant qu’on adresse au ciel, comme un linceul où l’âme ferme les yeux pour entendre battre le cœur des êtres et des choses. »

Nadine Dutier 
(25/11/19)    



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Lectures










Gallimard

Haute enfance
(Février 2019)
192 pages - 18,50 €








Gaston-Paul Effa,
né au Cameroun en 1965, professeur de philosophie, a déjà publié une
vingtaine de livres.


Bio-bibliographie sur
Wikipédia




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