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Un prologue qui se passe à Tanger en 1955 indique le tragique, la mort, mais aussi la résistance, la force, et déjà, les mots, les phrases magnifiques de Víctor del Árbol qui nous atteignent, nous séduisent, alors qu’elles nous percutent… Helena, veut retrouver son fils qui vit en Suède, mais elle cherche aussi des explications, concernant des évènements qui ont bouleversé son enfance et peut-être orienté sa vie, et plus particulièrement comprendre ce qui est arrivé à son père et ce qui a provoqué le suicide de sa mère. Après la mort de son mari, la grand-mère d’Helena lui avait enfin confié les lettres de son père, confisquées jusque-là par son grand-père. Elle y avait appris l’existence d’un homme, Abdul, et son rôle dans le départ de son père : « Chère fille, j’ai retrouvé Abdul dans cette ville. Et avec lui j’ai retrouvé ma perdition et mon salut. Mon destin. J’espère que tu me pardonneras un jour de n’avoir pu faire autre chose que suivre ses desseins. Ton père qui t’aime. » Miguel de son côté veut-aussi se pencher sur son histoire, sa famille, la guerre vécue, et peut-être arrivera-t-il à reconsidérer certaines choses. Avec le recul, il comprendra peut-être mieux sa fille. Il se confie à Helena : « Quand j’étais jeune, quand je devais m’occuper de ma mère, j’éprouvais la même impuissance. J’étais incapable de comprendre ses états d’âme et ses besoins et je rêvais d’avoir le super pouvoir magique qui m’indique à tout moment la bonne décision à prendre. » Et ce qui se passe à Malmö en Suède donnera un autre aspect, plus noir, des complexités et des destins qui se sont trouvés mêlés, d’une façon assez inexorable. Avec la criminalité, ou la prostitution en fond… Mais il n’est pas possible de dérouler un fil sans risquer de défaire la pelote entière. Il faut savoir que les arabesques souvent rudes de ces histoires, laissent aussi la place à la tendresse, et que l’espoir n’est jamais bien loin. C’est donc un formidable récit, d’une profondeur de vue et d’une réflexion en continu sur les engagements, sur la vieillesse, et aussi sur la perte. Et on constate une fois de plus, le talent de Víctor del Árbol à sa façon de doser le suspense, indiquer les aspects révélateurs d’un quotidien comme, à l’occasion, les drames et contradictions d’une société. Ainsi l’exprime un des personnages : « Feindre aussi qu’il était un modeste restaurateur, un honnête citoyen soucieux du désarmement nucléaire, de la survie des baleines, des valeurs de l’Europe, toute cette merde qui aurait normalement dû être les soucis des gens de tous les jours, lesquels en réalité, s’en foutaient complétement. » Quant à l’écriture elle est toujours aussi riche, son rythme adapté à chaque épisode, et même à chaque pensée, chaque situation : « Il ne s’est rien passé. Rien qu’on ne lui ait déjà infligé souvent : lui voler ce qu’on peut voler à quelqu’un, lui enlever ce qu’il est, pas ce qu’il a. Le détruire morceau par morceau. Depuis l’enfance, depuis le fauteuil de son grand-père, depuis le silence de sa mère, depuis la lâcheté de son père. » Anne-Marie Boisson (11/02/19) |
Sommaire Noir & polar Actes Noirs (Janvier 2019) 448 pages - 23 € Babel Noir (Mars 2021) 528 pages – 9,90 € Traduit de l'espagnol par Claude BLETON
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