Au fil de ce journal, tenu de 1974 à 2000 (date du décès de Daniel Zimmermann), on est frappé par la force de la  passion, passion amoureuse et passion littéraire, vingt-cinq ans d’une intensité et d’une énergie à toute épreuve, vingt-cinq ans de rencontres et de travail acharné. Des thèses de doctorat, de l’enseignement universitaire, des dizaines de livres publiés, une revue de nouvelles, une fondation qui organise des concours et décerne des prix littéraires, la liste pourrait être longue sans être exhaustive…

Sans oublier la danse pour elle et le karaté pour lui, qu’ils pratiquent régulièrement, pour eux seuls, pour le plaisir… La notion de plaisir est très présente, l’érotisme bien sûr, mais aussi la gastronomie avec fruits de mer (huîtres, homards ou langoustes), champagne et gâteaux de chez Dalloyau pour fêter les anniversaires ou les bonnes nouvelles…

Le travail acharné donne heureusement des résultats et les publications s’enchaînent dans tous les domaines. Livres pédagogiques ou universitaires, mais aussi romans et recueils de nouvelles, biographies et livres pour la jeunesse, autant de moments de bonheur partagé et de satisfaction, surtout quand ces ouvrages obtiennent des articles dans la presse, sont couronnés par des prix et repris dans des collections de poche, quand les auteurs sont invités à la radio et à la télévision. Pour l’un(e) comme pour l’autre, une œuvre se construit et c’est cette double construction du couple et des œuvres que ce journal nous permet d’observer année après année.

Mais la vie d’un couple comme celle d’un écrivain n’est pas un long fleuve tranquille. Le journal ne cache pas les moments plus difficiles, les accidents de la vie, les maladies, les décès des proches, y compris tous les soucis qui émaillent la vie des chats, ces chats qui occupent une place importante dans le titre de ce livre comme dans la vie des écrivains. La mort de Georges après quinze ans de vie commune donne lieu à des pages très émouvantes. Plusieurs mois plus tard, incapables de vivre sans chat, ils accueillent un chartreux nommé Clovis de la Gordonnière mais qu’ils appellent Julien en hommage au héros du Rouge et le noir et, l’année suivante, une abyssine baptisée Mathilde, qui a un caractère bien trempé et s’impose tout de suite en dominante par rapport à Julien.

Le journal évoque aussi les moments de désaccord au sein du couple, les colères, les disputes, des crises parfois violentes, verbalement, mais jamais durables.
Le journal ne cache pas, non plus, les difficultés de la vie d’un écrivain, les moments de doute, l’absence de réponse des éditeurs, les lettres de refus, les critiques négatives parfois blessantes, les difficultés financières de la revue littéraire, tous les obstacles ou les échecs qu’il faut surmonter pour reprendre la plume et continuer encore et toujours, en essayant de perdre le moins de temps possible, pour mener le seul combat qui compte, construire une œuvre.

La quatrième de couverture nous apprend que ce journal à quatre mains comporte près de quinze cents pages manuscrites. Les trois cents pages de ce livre sont donc des extraits qui permettent d’entrevoir la vie commune des deux auteurs et de leurs chats, qui font partager leur passion avec tout ce qu’elle comporte de réussites et de difficultés, qui font comprendre leurs différences de tempérament et de conception de la littérature, et surtout, qui donnent une grande envie de se plonger dans les livres dont apparaissent ici les efforts et les doutes qui ont constitué leur genèse. Un livre passionnant pour tous les amateurs d’écriture et un accès privilégié vers l’œuvre de deux écrivains à lire, relire ou découvrir.

Serge Cabrol 
(30/04/18)