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Marie-Aude MURAIL

En nous beaucoup d’hommes respirent

Comment fonctionne notre mémoire ? Quels souvenirs gardons-nous de notre enfance ? Qui sont nos grands-parents et parents ? Les connaissons-nous vraiment ?

« J’oublie mes romans, à peine les ai-je écrits. J’ai même tendance ces derniers temps à oublier que je suis écrivain. » Quel est son rapport à l’écriture ? Comment se sont construits ses romans tissés dans l’histoire de ses aïeux ?

Marie-Aude Murail explore le passé de sa famille à partir de lettres et de photos qu’elle a retrouvées notamment les lettres d’amour de ses grands-parents et le journal de sa mère. Ainsi va se constituer son récit, à partir de bribes de mémoire qui peu à peu vont s’enrichir.

Son grand-père Raoul Barrois tombe amoureux de Cécile. Il a 24 ans et il va partir à la guerre de 14. Raoul et Cécile vont donc s’écrire. « Son histoire, que lui-même intitula Notre roman d’amour, est le socle de ma famille. Elle a fourni le scénario sur lequel j’ai écrit mes romans en surimpression, et je sais qu’en me mariant, j’ai pensé : 19 ans, l’âge de Cécile ! »

Marie-Aude Murail retrouve aussi les souvenirs de sa mère, Marie-Thérèse, qui en veut à sa propre mère, Cécile : «Ma mère et ma grand-mère se disputent. Pas très fort, mais j’entends. Maman reproche à Moussia de ne pas avoir empêché son mari de sortir alors qu’il venait d’être sérieusement malade. Raoul était à peine remis, et dehors il faisait très grand froid. Il en est mort. Et maman n’aura pas de papa, et elle en veut à sa mère. Je suis une petite fille, mais je crois que c’est bien cela que j’ai compris. »  Raoul meurt quatre mois avant la naissance de sa fille. Marie-Thérèse sera très proche de Norbert, son frère de trois ans son ainé qui, comme son père, partira à la guerre. Il écrira à sa mère comme Raoul avait écrit à sa femme. « J’ai l’impression de relire la correspondance de Raoul, à cela près que le père fut brutalement plongé dans l’horreur, et le fils, dans l’absurdité. »

Marie-Aude Murail retourne au Havre avec Pierre, son mari, à la recherche de sa famille. Elle y retrouve sa cousine Béatrice et l’origine de la brouille entre sa mère et Geneviève, la femme de Norbert. « Il m’arrive de penser au peu d’années qui nous restent à vivre ensemble, Pierre et moi. Dix, quinze, vingt ? Chaque jour qui passe entame ce petit capital. Il me semble que, pour les gens très âgés, le compteur tourne autrement. Chaque jour qui passe est un jour en plus, remporté sur la mort. »

Nous nous baladons dans les familles avec leurs deuils, leurs disputes, leurs mystères, leurs recompositions ainsi que dans l’histoire du XXème siècle avec ses guerres. Quelle famille n’a pas vécu tous ses évènements ? Mais « En d’autres termes, comment faire pour que mes souvenirs d’enfance, heureux ou malheureux, soient  vraiment mes souvenirs ? »

Tout une partie du récit évoque le rapport de Marie-Aude Murail à l’écriture. Comment et pourquoi écrit-on ?   L’importance du rêve et de l’imagination, qu’elle a partagés dès l’enfance avec sa sœur, transparait au fil du texte : «Longtemps je me suis couchée de bonne heure afin de poursuivre mon interminable fabulation. Je faisais sonner mon réveil en avance le matin pour reprendre le fil de mon rêve sans que les autres n’en sachent rien. J’ignorais si c’était mal ou si c’était bien, je me disais : j’en ai besoin. » Son père poète a aussi joué un rôle important.

C’est un très beau voyage dans la vie d’une famille et dans la construction à la fois familiale et imaginaire de Marie-Aude Murail qui a exploré de multiples recoins de sa mémoire grâce à de nombreuses photos, des extraits de lettres manuscrites et de journaux intimes, des citations d’écrivains…

Brigitte Aubonnet 
(10/09/18)    



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L'iconoclaste

(Août 2018)
440 pages - 20 €









Marie-Aude Murail,
née en 1954, a publié une centaine de textes pour la jeunesse, traduits en
vingt-deux langues et
souvent récompensés.


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Wikipédia



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