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ou les mésaventures de Monsieur Durand
Lors d'un week-end managérial d’entraînement au dépassement de soi, Antoine refuse de sauter à l'élastique comme on le lui demande. Ce sera pour lui le début du déclassement, de l'ostracisme et de la dégringolade. « Je connais le ressentiment qui t’étreint, ce sentiment d’inutilité, cette sensation d’avoir toujours fait pour le mieux, d’avoir été un bon employé, un bon soldat, je sais tes heures passées à l’entreprise, ton implication sans compter, mais ça ne vaut rien à leurs yeux. L’ancienne force de travail, ils s’en moquent, tes capacités de même, ce qui les intéresse c’est tout, ton entité, ils te veulent en entier, ils te payent pour pouvoir t’appeler la nuit, ils veulent que ta pensée, tes loisirs, tes croyances, ta foi, soient au service de l’entreprise, que ton cœur et ton souffle soient à eux, qu’ils fassent partie du contrat, c’est tout ça que tu as signé sans le savoir… » Par malchance, Antoine Durand, homme sans famille, dorénavant marginalisé au sein de son entreprise et rejeté par ses collègues, est aussi un exilé dans cette ville indifférente voire dans sa vie. Le seul lieu où il lui semble retrouver un peu de sincérité et de chaleur humaine est cet ancien bistrot aussi excentré par rapport à la ville historique qu'au centre-ville urbain d’aujourd’hui, bordel discret à ses heures, où il se réfugie chaque soir pour retrouver une place et se sentir vivant. Mais on ne sort pas aussi facilement des griffes du système et la machine ne s'avère pas très encline à laisser un mouton noir sortir de ses rangs….
À travers cette histoire dans un Toulon passé et idéalisé (avec notamment ce bar et ses putains décrits avec jubilation par l'auteur non sans relents autobiographiques liés à l'enfance), Gilles Zerlini nous offre un roman focalisé sur le monde du travail et sa force destructrice, sur fond de libéralisme contemporain ambiant privé de toute humanité ou valeurs morales. Il nous décrit les rapports violents d'exploitation, de domination dans l'entreprise, la manipulation des relations internes, comme une esquisse d'un nouvel enfer de Dante dans un style violent à la façon de GJ Arnaud et des débuts du Fleuve noir. « J'ai voulu faire un livre punk, un livre comme quand les Sex Pistols disaient on s'en fout s'il faut savoir jouer, on branche les amplis, on balance la sauce, l'énergie. » En vingt-six courts chapitres, avec un humour distancié et une écriture imagée pleine de références, Gilles Zerlini raconte les étapes successives de cette chute vers l’anéantissement. Mais si la description sociale y est plus importante que l'intrigue et le mouvement que la psychologie, si l'auteur s'en sert pour créer la tension, le lecteur amené à combler les blancs et en cela impliqué malgré lui (la couverture l'incitant presque à se saisir de la goupille comme maladroitement cet homme meurtri tentera de le faire) ne peut s'empêcher de rire à cette épopée qui finit par abandonner tout réalisme pour basculer dans l'improvisation fantaisiste. Cette histoire terriblement banale et jouissivement délirante à lire à plusieurs niveaux qui m'avait échappé à sa sortie en février 2016 mérite vraiment un détour chez votre libraire ou par votre bibliothèque. Une belle découverte. Dominique Baillon-Lalande (25/01/17) |
Sommaire Lectures Materia Scritta 120 pages - 12 €
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