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Des personnages, des gens simples qui n'ont rien de super-héros, nous apprendrons peu et sans aucune frustration car le ressort essentiel n'est jamais ici du domaine de la psychologie. C'est avant tout sur le décalage instauré avec son sujet, par son constant recours à la poésie et à l'absurde que l'auteur nous compose l'image d'un monde à bout de souffle qui tourne à l'envers.
Voici pour vous mettre l'eau à la bouche deux extraits révélateurs: « Après avoir tenté vainement d’exercer diverses professions ordinaires, pour lesquelles il s’était rapidement confirmé qu’il n’avait aucune compétence, après s’être donc fait renvoyer d’une brasserie, d’un bureau de comptabilité, du guichet d’un cinéma et d’une entreprise de plafonnage, il s’était résigné à gagner sa vie en pratiquant la seule chose pour laquelle il était doué : s’attirer des emmerdes et des péripéties. Notons tout de même que ce don très particulier n’aurait jamais été de nature à générer un salaire s’il n’avait existé sur terre une autre catégorie d’êtres pourvus d’un seul talent - mais cyniques, ceux-là, sans scrupules, prêts à vendre père et mère pour une bonne histoire : les écrivains en mal d’inspiration. » (Un truc incroyable) « Elle lance un regard en point d'interrogation vers le facteur chenu qui encadre sa formation. Sur la facture qu'elle tient à la main gauche, on peut lire que le destinataire est un Rustam machin-chose, patronyme qui s'étend sur une quinzaine de lettres qui n'ont pas l'air dans l'ordre. En tout cas, conclut-elle, ce n'est pas un nom d'ici. Dans sa main droite, autre facture, même adresse et pourtant pas le même particulier. Cette fois c'est pour un David truc-stein, pas beaucoup plus facile à déchiffrer, mais bon : carrément différent. Et elle est d'autant plus perplexe, la stagiaire, que, sur la sonnette on lit distinctement, tracé à l'encre violette par une main féminine : Cerise et David-Rustam. Alors le vieux facteur s'empare des deux enveloppes et les glisse dos-à-dos dans la boîte avec une forme de lenteur qui ressemble à de la tendresse. » (À pieds joints) Je recommande plus particulièrement À pieds joints, ce conte contemporain peu traditionnel d'une vingtaine de pages qui, à partir de l'histoire improbable d'un cul-de-jatte juif flanqué d'un alter-ego iranien, cache derrière sa cocasserie affirmée une humanité émouvante. Un recueil peu ordinaire à la langue et au style irréprochables, aussi féroce que généreux, jubilatoire et séduisant, qui vient confirmer que l'auteur polymorphe de Rien n'est rouge (publié en 2015 et distingué par le prix Bocace) est un maître du format court avec lequel il va falloir dorénavant compter. À lire, relire et partager sans modération. Dominique Baillon-Lalande (26/10/17) |
Sommaire Lectures Luce Wilquin (Septembre 2017) 160 pages - 16 €
Découvrir sur notre site un autre recueil du même auteur : Rien n'est rouge |
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