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Après la disparition de l’être aimé, quelles traces peut-on retrouver et conserver autour de soi, dans la maison, dans le jardin ? Jusqu’où cette quête des souvenirs, cette préservation des parfums, des images, peut-elle conduire ? Le roman s’ouvre sur un jeune couple qui visite une maison en vue de l’acheter. « Journaux, sacs plastique, bouteilles, vêtements usagés, pots de yaourt écrasés jonchaient le sol dès l’entrée. En fait nous visitions une décharge. » Seule la chambre est propre, irréprochable. C’est un autre couple, Gabrielle et Martin, qui habitait cette maison. Gabrielle était professeur de français. Dès le chapitre deux, Gabrielle meurt dans un accident, vélo contre poids lourd, pas de miracle. Martin était follement amoureux de Gabrielle. Malgré les funérailles, l’incinération, la dispersion des cendres, il ne peut admettre sa disparition. Gabrielle avait deux passions, la lecture et le jardin. C’est du moins ce qu’il croyait. Pour le jardin, c’est différent. Gabrielle en parlait avec passion. « Elle aimait raconter comment elle avait métamorphosé cette terre ingrate, rongée par les racines du tilleul, pour la transformer en jardin. Son premier travail avait été d'arracher les aucubas qui s'y multipliaient ; elle avait ensuite retourné le sol, l'avait enrichi d'engrais, avant de planter des clématites, des jasmins, des rosiers-lianes contre les murs, et le gros hortensia près de la terrasse. Plus loin, des fougères, des hostas, des anémones, et contre la clôture : des seringats, azalées, buis, rhododendrons, capables de pousser à l'ombre du grand arbre. Jusqu'à cette mince pelouse, dont la verdeur tenait du miracle... » « Mais même du vivant de Gabrielle, Martin s'y était toujours senti un peu étranger. À chaque printemps, Gabrielle lui présentait pourtant ses nouvelles plantes : Jacques Cartier, Madame Lecoultre, Ghislaine de Féligonde, Pierre de Ronsard, Nelly Moser... En plus de leurs noms botaniques, presque toutes portaient des noms de personnes. Le jardin les assimilait sans effort apparent. Martin, lui, s'y perdait. » Voilà un roman aussi passionnant qu’émouvant où Martin découvre une partie de la vie de Gabrielle qu’il ne connaissait pas. Savons-nous vraiment qui sont les personnes avec qui nous vivons ? Y a-t-il des zones que nous ne partageons pas ? Stéphane Jougla, avec tendresse et délicatesse, nous permet d’accompagner Martin au plus près, de partager son chagrin et ses surprises, de comprendre comment il sombre peu à peu dans une folie à la mesure de l’amour qu’il éprouvait pour Gabrielle. Encore une belle preuve du pouvoir de la littérature dans la compréhension de l’âme humaine… Serge Cabrol |
Sommaire Lectures Denoël (Septembre 2017) 224 pages - 19 €
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