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Charles GANCEL

L’inaccessible



« – Après notre courte aventure, je devrais dire notre flirt, j’ai pensé à toi, chaque jour, pendant quinze ans. Un enfer. Je ne crois pas avoir jamais aimé comme je t’ai aimée. […]
– Tu veux dire, on est sortis ensemble ? dit-elle d’un ton léger.
– Bien sûr ! Ça ne te dit rien ?
– Non… si… enfin, c’est-à-dire, c’est si loin tout ça… en plus, j’ai une mémoire horrible… mais enfin si tu le dis… »

Six nouvelles sur la face cachée de l’autre, ses sensations, sentiments, pensées, rêves, son noyau dur inatteignable ; ce qui fait qu’on voudrait parfois être cet autre pour savoir, savoir… ce qu’ on a déjà tant de mal à démêler chez soi ! Comme dit la chanson, « Si j’étais elle, je n’aimerais pas me voir souffrir, à en crever, à la maudire… »

Six nouvelles qui, en détricotant ce fil conducteur de « l’inaccessible » tressé d’incommunicabilités, de méprises, d’envies, de volonté de séduire, de régner sur l’autre pour, croit-on, s’en faire aimer (ou l’annihiler ?), nous entraînent dans des univers et des genres  littéraires très différents sur la piste du désir.

La première nouvelle, plutôt naturaliste, dévoile les rapports complexes faits d’amertume, de haine, d’habitudes qui lient une vieille femme à son mari ; la suivante, apparemment plus légère, montre que la séduction, même inconsciente, laisse des traces, que nos rapports aux autres n’ont pas forcément la clarté qu’ils affichent  ; dans La partie de chasse, une nouvelle de science-fiction, pas si futuriste que ça, l’air de la planète Terre  étant devenu irrespirable, un savant riche et puissant vit sous cloche, dans une jungle artificielle qu’il a construite. Désabusé, il va voir son appétit de vivre renaître pour une femelle mutante appartenant à ces tribus sauvages qui survivent, on ne sait comment, en dehors du Sylvanorium… Un rat est une nouvelle policière.  Un tueur à gages découvre avec stupeur qu’il aime…  « Déjà au bar, il avait remarqué sa bouche. À la commissure, la lèvre supérieure était une virgule légère mais ferme, une chair souple et salée qui lui rappelait les coquillages qu’il ramassait sur les plages de la mer Noire, des images enfouies, qui surgissaient de nulle part, des sentiments ressuscités, des sensations oubliées, qui dataient de l’enfance et remontaient en lui. »

 La nouvelle éponyme du recueil télescope le délire d’un amoureux  et l’indifférence totale de sa belle, le rêve se heurte à la réalité et bascule dans le vide ! La dernière histoire met en scène, aux States, un jeune ambitieux qui veut devenir un écrivain célèbre… mais « atteindre l’inaccessible étoile » a un prix.

Six  très belles nouvelles sur le langage, son tremblement, sa « dissémination ».

Sylvie Lansade 
(05/12/17)    



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Lectures








Buchet-Chastel

(Octobre 2017)
192 pages - 15 €









Charles Gancel,
écrivain et musicien, a déjà publié chez Buchet-Chastel deux recueils de nouvelles, Les œufs (2004) et Scalpels (2007), et un roman, Scène de plage (2012).