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Claudie Gallay dans ce roman, nous propose le portrait et l’histoire de Jeanne, quarante ans, employée à la poste de sa petite ville, heureuse avec Rémy, son mari aimant, et ses filles jumelles, étudiantes épanouies. Jeanne, sa vie calme, son attachement à son entourage et à sa famille de paysans modestes. Jeanne, donc, sereine dans cette apparence de l’ordinaire, mais qui va nous laisser découvrir qu’elle aime aussi l’imprévu, l’inattendu, et même le hasard qu’elle peut avoir envie de provoquer. On la devine à la recherche de surprises, peut-être même en quête d’évènements qui bousculeraient quelque peu son quotidien. Elle assume tout cela : « Elle fait la liste de ce qu’elle aimerait faire et qu’elle ne faisait pas, comme partir à pied et marcher tout droit, s’arrêter sur une aire d’autoroute et y rester autant qu’elle voudrait. Ou bien garder un œuf dans ses mains et attendre vingt jours qu’il éclose. Ça elle aimerait ! » C’est ainsi que progressivement nous comprenons la fascination qu’elle éprouve pour le caractère et la vie de cette artiste-performeuse serbe, Marina Abramovic. En retrouvant – par hasard ( !) – une photo d’une exposition à Naples, elle se souvient de la passion que son professeur de terminale avait essayé de communiquer. Parce que cette artiste avait mis plusieurs fois sa vie et ses amours en jeu dans son travail. « Avec Naples elle avait mis sa vie dans les mains de gens qu’elle ne connaissait pas […] Elle avait disposé des objets sur une table, du vin, du miel, un révolver, une balle... Soixante-douze en tout. Elle l’avait écrit sur une feuille : Je suis un objet, utilisez les objets même la balle si vous voulez me tuer, et j’en prends toute la responsabilité. Elle ne résisterait à rien. » Jeanne s’informe et va suivre l’évolution de cette artiste. Elle écrit dans son carnet, et puis décide de lui envoyer des lettres. Pour lui parler de l’admiration qu’elle ressent pour elle, pour sa conception de l’art et de la vie. Et lui faire part de ses propres préoccupations, de ses doutes. Ainsi cette lettre n° 9 qu’elle termine par : « Ce que vous faites me console de moi. Elle hésite. Elle ne peut pas dire ça. » Cette artiste serait-elle son double inversé ? C’est ainsi que le personnage de Jeanne se dévoile tout au long du roman. En laissant percer une certaine complexité qui accompagne cette interrogation continue et stimulée par l’artiste. Et puis le hasard est là à nouveau lorsque Jeanne retrouve Martin, son amour de Lycée, son premier amour. Elle est émue. Ses souvenirs, et l’homme qu’il est à présent. Elle trouve un écho chez lui… plus qu’une attirance... Car c’est aussi ce qui l’avait séduite chez Abramovic, sa conception de l’amour, comme celle de l’art : « Elle dit que le travail dure toujours, pas l’amour, et qu’elle voudrait mourir d’aimer, comme la Callas, que c’est la seule mort valable. » Le roman qui se déroule sur quelques mois fait grandir le personnage de Jeanne qui semble éclairer tous ceux qui l’entourent. Nous les voyons à travers son regard. Et c’est justement ce qui opère sur nous également, au fil de ces pages. C’est donc bien l’écriture de Claudie Gallay qui réussit cette fois encore à nous émouvoir, à nous convaincre, et à nous attacher… de sa plume fine, subtile et si simplement poétique… Anne-Marie Boisson (24/08/17) |
Sommaire Lectures Actes Sud (Août 2017) 416 pages - 22 €
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