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« Il y avait les paysans, des gens qui meurent de faim et se présentent nus, et il y avait Scarani. Les paysans respectent leur prochain, ils parlent avec le cœur sur la main. Le "commendatore", lui, est persuadé qu’il n’y a au monde que des choses à vendre et à acheter. » Comme les autres bergers pauvres de cette région de Sardaigne, Pietro a du mal à vivre de ses brebis qui paissent sur des terres arides, les bonnes terres appartenant à un riche propriétaire. Pour survivre, les bergers ont tenté l’expérience de la coopérative. Mais mal gérée par un homme peu scrupuleux, voilà les petits éleveurs encore plus endettés. Mais Pietro ne s’avoue pas vaincu et exhorte ses compagnons à maintenir et élargir la coopérative à des voisins, comme eux, dans la misère. – De quoi devons-nous avoir peur ? dit-il en scrutant les autres de ses yeux de charbon ; nous ne pourrons jamais être plus mal que nous sommes. Celui qui a mangé du pain sec toute sa vie ne doit rien craindre, même en prison il y a des repas chauds. Pour le faire plier, soutenue moralement par l’église qui voit d’un très mauvais œil l’idée même de coopérative – Votre fils veut insister ; vous devez le convaincre, lui dire de rester loin de tout ça, c’est la tentation qui le pousse : derrière la coopérative, il y a les ennemis de la famille, les ennemis de l’Eglise, les ennemis de Dieu. –, confortée par une justice de classe qui harcèle les bergers qui ne peuvent plus payer ni loyer ni impôts et secondée par la police qui arrête, emprisonne, déporte, la mafia locale lui vole son troupeau. Son jeune frère doit alors se louer à un plus gros berger pour juste être nourri et sa mère refaire des lessives. Pietro, en essayant de récupérer son bien, finit par se faire piéger et est condamné à un an d’exil sur le continent, dans le nord de l’Italie. Quand il revient, fort de ses expériences difficiles mais formatrices et de l’amour qu’il a rencontré, la situation est dramatique. La sécheresse décime les troupeaux. N’ayant plus rien à perdre, Pietro décide avec d’autres bergers, de mener les bêtes mourantes devant les fenêtres de la préfecture, à Cagliari, pour demander de l’aide. Après avoir été calmés par des promesses pour qu’ils repartent avec leur troupeau famélique, les bergers, ne voyant aucune subvention venir, décident de monter des barricades pour bloquer la route qui traverse leur village mais les bérets bleus arrivent… – Notre vie ne mérite aucun respect. Nous sommes en train de nous éteindre misérablement, muets et résignés comme nos brebis. Et bien moi, je préfère mourir tout de suite, si cela doit arriver, mais en hurlant et en protestant. Que tout le monde entende ma voix. Non cette histoire ne se passe pas en dehors de l’Europe ni au moyen-âge mais en Sardaigne, à la fin des années 70 ! C’est le premier roman de Bachisio Zizi traduit en français alors que cet écrivain sarde, mort en 2014 à l’âge de 89 ans, est l’auteur d’une œuvre abondante. Ce roman nous en laisse entrevoir la force. Sylvie Lansade |
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